Il y a quelque temps déjà, j’annonçais
ce projet : de lire au moins une œuvre tirée du répertoire de chacun des
membres du jury de l’Académie Goncourt qui ont contribué, il y a 40 ans, en
1979, soit un an avant ma naissance, à faire rayonner Antonine Maillet dans le
monde francophone en lui octroyant le prestigieux prix, pour son fabuleux Pélagie-la-Charrette. Sous la présidence
distinguée d’Hervé Bazin, rappelons la composition du prix Goncourt 1979.
Disons bonjour aux anciens : André Stil (1977-2004), Armand Salacrou
(1949-1983), Jean Cayrol (1973-1995), Robert Sabatier (1971-2012), Armand
Lanoux (1969-1983), François Nourissier (1977-2008), Michel Tournier
(1972-2011), Emmanuel Roblès (1973-1995) et la dernière, mais non la moindre,
la toute brillante Françoise Mallet-Joris (1970-2011). En vue de ces
commémorations importantes, j’ai décidé de mettre sur pause ma lecture des
œuvres de Françoise Sagan. J’espère arriver à compléter la lecture de cette
nouvelle série de 10 romans d’académiciens d’ici la fin de l’année, du moins
c’est mon objectif. Je crois pouvoir y arriver. Je laisse donc momentanément de
côté, Françoise Sagan, mais c’est simplement afin de mieux y revenir. Je ne
suis pas le genre de lectrice pouvant lire ininterrompue l’entièreté de l’œuvre
littéraire d’un écrivain ou d’une écrivaine, sans m’autoriser à lire autre
chose. Ce serait me livrer à un exercice inutilement usant. Sur le long terme
par contre, l’un de mes objectifs est de lire l’œuvre de Sagan dans son
intégralité.
Ce nouveau défi littéraire me plaît
beaucoup, car il me permet de découvrir de nouveaux auteurs et une autrice,
sans quoi, je ne les aurais fort à parier jamais lus. De ces membres du jury du
prix Goncourt de l’année 1979, je ne connais qu’Hervé Bazin. Je peine par
ailleurs à me souvenir si je n’ai jamais lu une œuvre d’Hervé Bazin. C’est tout
dire. Je suis donc en mode rattrapage express. Pour ce faire, dimanche dernier,
je suis sortie de la Grande Bibliothèque de Montréal avec un lourd sac de
livres contenant des romans d’Hervé Bazin, Françoise Mallet-Joris, François
Nourissier, Robert Sabatier et Michel Tournier. J’ai lu dimanche en soirée un
roman de Françoise Mallet-Joris, Le
rempart des béguines. Présentement, j’ai entre les mains Les allumettes suédoises de Robert
Sabatier. J’ai emprunté au hasard ce roman de Sabatier, et je dois dire que je
n’aurais pas pu faire un meilleur choix. En lisant les premières pages de Les allumettes suédoises, j’ai tout de
suite pensé au roman La vie devant soi
de Romain Gary. Les allumettes suédoises de
Robert Sabatier et La vie devant soi de
Romain Gary ont ceci en commun : il s’agit de l’histoire d’un petit garçon
orphelin. Or, le style de ces deux romans est fort différent l’un de l’autre. La vie devant soi de Romain Gary est
certainement la lecture qui m’a le plus marquée en 2019.
Il s’agit d’un roman pur, bouleversant.
Le texte est écrit à la première personne, du point de vue du narrateur qui est
un petit garçon orphelin, confié aux soins d’une grosse femme juive, elle-même
ex-prostituée qui qui s’occupe d’enfants de prostituée, dont le narrateur de La vie devant soi. Tout au long du
roman, l’auteur ne s’égare pas, jamais on ne ressent la présence de l’écrivain,
seule la voix omniprésente du jeune garçon se fait entendre, sincère et vraie,
d’une manière réellement poignante et saisissante. Que l’auteur de cette œuvre
si puissante ait pu se donner la mort, c’est pour moi incompréhensible,
tellement La vie devant soi est un
roman vibrant. Les allumettes suédoises
de Robert Sabatier est tout aussi intéressant, mais d’un autre genre. Un
narrateur adulte nous fait découvrir la vie d’Olivier qui vient de perdre sa
mère. Les allumettes suédoises est un
très beau roman où Montmartre est le
théâtre du quotidien d’Olivier. J’ai fait la connaissance de L’Araignée, un
homme infirme qui peine à se mouvoir, entre autres choses. L’écriture de ces
allumettes est serrée et déborde de détails. Olivier peut bien vagabonder à sa
guise dans les rues de Montmartre, mais l’auteur, lui, ne nous laisse jamais à
l’abandon. Il nous guide pas à pas dans ce monde dont on peut imaginer sans mal
être le sien, tellement le roman est riche et déborde de saveurs.
J’ai également beaucoup aimé lire Le rempart des béguines. Si j’ai
entrepris la lecture de l’ensemble des œuvres de Sagan, je crois qu’il en sera
de même avec Françoise Mallet-Joris, que je ne connaissais pas avant que ma
curiosité ne me penche sur la composition du jury du prix Goncourt 1979.
Publié en 1951, Le rempart des béguines fit
scandale à sa sortie. Ayant lu ce roman en 2019, je peux comprendre la nature
du scandale, dû au fait que Mallet-Joris explore l’univers de l’amour entre
deux femmes, l’une adolescente, et l’autre adulte. Or, Le rempart des béguines n’est pas explicitement érotique. Je dirais
que le thème du lesbianisme est exploré, certes, mais sans violence sexuelle.
Bien que j’ai tassé de côté Françoise Sagan, cette dernière n’est jamais bien
loin, parce que je veux qu’il en soit ainsi. Fait intéressant à constater, le
tout premier roman de Sagan, Bonjour
tristesse, parut 3 ans plus tard, en 1954. Le rempart des béguines, autant que Bonjour tristesse, ont tous deux semés la controverse lors de leur
parution. J’aime imaginer que Françoise Mallet-Joris ait facilité l’incursion
de Sagan dans le merveilleux monde littéraire, qu’elle lui ait contribué à son
intégration. En 1951, Mallet-Joris était âgée de 21 ans et en 1954, Sagan avait
tout juste 18 ans, à peine majeur. De plus, fait intéressant à noter, Françoise
Mallet-Joris et Françoise Sagan avaient toutes deux le même éditeur : René
Julliard. Il semble que le monsieur l’éditeur ait eu le coup de foudre pour de
beaux romans sulfureux écrits par de jeunes femmes… Le rempart des béguines, autant que Bonjour tristesse, sont des romans bien écrits, mais je dirais que
Bonjour tristesse est d’une écriture
pour ne pas dire plus fine ou naturelle, mais peut-être plus sauvage. Décrire
le style d’un écrivain est un exercice difficile, voire même périlleux. En
affirmant que Bonjour tristesse est
d’une écriture plus fine que Le rempart
des béguines, je porte quelque part préjudice à Françoise Mallet-Joris. Or,
à ma défense, il faut bien que j’écrive quelque chose. Malgré l’excuse de
l’écriture, on ne peut pas tout dire, tout écrire. Cela, Yvan Godbout, auteur
d’écrits dégoûtants, est présentement en train de l’expérimenter à ses dépens
et c’est tant mieux, surtout au sein d’une société où
les actes de pédophilies et agressions ne sont pas suffisamment sévèrement
punis par la loi. La littérature, même si elle se veut être scandaleuse, doit
toutefois demeurer dans le bon goût.
Le bon goût et la bienveillance, même
bourgeoise, je l’ai abondamment expérimenté avec ma lecture des romans de
Françoise Sagan. J’ai fait cette semaine, une belle découverte, sans lien aucun
toutefois avec Françoise Mallet-Joris. Il semblerait que les archives de la
Grande Bibliothèque de Montréal, pour l’établissement situé dans le
Vieux-Montréal, abritent un trésor : la version manuscrite du roman
d’Armand Lanoux, Quand la mer se retire,
roman pour lequel il obtint le prix Goncourt en 1963. Lanoux étant un écrivain
français, il est étrange que ce précieux manuscrit se trouve à Montréal. Je
n’ai pas réussi à retrouver aucune information quant aux Fonds Armand Lanoux
détenus par la BAnQ du Vieux-Montréal. Tout ce que j’ai réussi à apprendre,
c’est que les Fonds Armand Lanoux ont été acquis de Jean-Guy Pilon en décembre
1972, soit du vivant de l’auteur. Armand Lanoux est décédé en 1983. Jean-Guy
Pilon est un homme de lettres québécois qui m’est totalement inconnu.
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