18 décembre 2019

À la découverte des membres du jury de l’Académie Goncourt qui ont honoré l’écrivaine Antonine Maillet

Il y a quelque temps déjà, j’annonçais ce projet : de lire au moins une œuvre tirée du répertoire de chacun des membres du jury de l’Académie Goncourt qui ont contribué, il y a 40 ans, en 1979, soit un an avant ma naissance, à faire rayonner Antonine Maillet dans le monde francophone en lui octroyant le prestigieux prix, pour son fabuleux Pélagie-la-Charrette. Sous la présidence distinguée d’Hervé Bazin, rappelons la composition du prix Goncourt 1979. Disons bonjour aux anciens : André Stil (1977-2004), Armand Salacrou (1949-1983), Jean Cayrol (1973-1995), Robert Sabatier (1971-2012), Armand Lanoux (1969-1983), François Nourissier (1977-2008), Michel Tournier (1972-2011), Emmanuel Roblès (1973-1995) et la dernière, mais non la moindre, la toute brillante Françoise Mallet-Joris (1970-2011). En vue de ces commémorations importantes, j’ai décidé de mettre sur pause ma lecture des œuvres de Françoise Sagan. J’espère arriver à compléter la lecture de cette nouvelle série de 10 romans d’académiciens d’ici la fin de l’année, du moins c’est mon objectif. Je crois pouvoir y arriver. Je laisse donc momentanément de côté, Françoise Sagan, mais c’est simplement afin de mieux y revenir. Je ne suis pas le genre de lectrice pouvant lire ininterrompue l’entièreté de l’œuvre littéraire d’un écrivain ou d’une écrivaine, sans m’autoriser à lire autre chose. Ce serait me livrer à un exercice inutilement usant. Sur le long terme par contre, l’un de mes objectifs est de lire l’œuvre de Sagan dans son intégralité.

Ce nouveau défi littéraire me plaît beaucoup, car il me permet de découvrir de nouveaux auteurs et une autrice, sans quoi, je ne les aurais fort à parier jamais lus. De ces membres du jury du prix Goncourt de l’année 1979, je ne connais qu’Hervé Bazin. Je peine par ailleurs à me souvenir si je n’ai jamais lu une œuvre d’Hervé Bazin. C’est tout dire. Je suis donc en mode rattrapage express. Pour ce faire, dimanche dernier, je suis sortie de la Grande Bibliothèque de Montréal avec un lourd sac de livres contenant des romans d’Hervé Bazin, Françoise Mallet-Joris, François Nourissier, Robert Sabatier et Michel Tournier. J’ai lu dimanche en soirée un roman de Françoise Mallet-Joris, Le rempart des béguines. Présentement, j’ai entre les mains Les allumettes suédoises de Robert Sabatier. J’ai emprunté au hasard ce roman de Sabatier, et je dois dire que je n’aurais pas pu faire un meilleur choix. En lisant les premières pages de Les allumettes suédoises, j’ai tout de suite pensé au roman La vie devant soi de Romain Gary. Les allumettes suédoises de Robert Sabatier et La vie devant soi de Romain Gary ont ceci en commun : il s’agit de l’histoire d’un petit garçon orphelin. Or, le style de ces deux romans est fort différent l’un de l’autre. La vie devant soi de Romain Gary est certainement la lecture qui m’a le plus marquée en 2019.

Il s’agit d’un roman pur, bouleversant. Le texte est écrit à la première personne, du point de vue du narrateur qui est un petit garçon orphelin, confié aux soins d’une grosse femme juive, elle-même ex-prostituée qui qui s’occupe d’enfants de prostituée, dont le narrateur de La vie devant soi. Tout au long du roman, l’auteur ne s’égare pas, jamais on ne ressent la présence de l’écrivain, seule la voix omniprésente du jeune garçon se fait entendre, sincère et vraie, d’une manière réellement poignante et saisissante. Que l’auteur de cette œuvre si puissante ait pu se donner la mort, c’est pour moi incompréhensible, tellement La vie devant soi est un roman vibrant. Les allumettes suédoises de Robert Sabatier est tout aussi intéressant, mais d’un autre genre. Un narrateur adulte nous fait découvrir la vie d’Olivier qui vient de perdre sa mère. Les allumettes suédoises est un très beau roman où Montmartre est le théâtre du quotidien d’Olivier. J’ai fait la connaissance de L’Araignée, un homme infirme qui peine à se mouvoir, entre autres choses. L’écriture de ces allumettes est serrée et déborde de détails. Olivier peut bien vagabonder à sa guise dans les rues de Montmartre, mais l’auteur, lui, ne nous laisse jamais à l’abandon. Il nous guide pas à pas dans ce monde dont on peut imaginer sans mal être le sien, tellement le roman est riche et déborde de saveurs.

J’ai également beaucoup aimé lire Le rempart des béguines. Si j’ai entrepris la lecture de l’ensemble des œuvres de Sagan, je crois qu’il en sera de même avec Françoise Mallet-Joris, que je ne connaissais pas avant que ma curiosité ne me penche sur la composition du jury du prix Goncourt 1979. Publié en 1951, Le rempart des béguines fit scandale à sa sortie. Ayant lu ce roman en 2019, je peux comprendre la nature du scandale, dû au fait que Mallet-Joris explore l’univers de l’amour entre deux femmes, l’une adolescente, et l’autre adulte. Or, Le rempart des béguines n’est pas explicitement érotique. Je dirais que le thème du lesbianisme est exploré, certes, mais sans violence sexuelle. Bien que j’ai tassé de côté Françoise Sagan, cette dernière n’est jamais bien loin, parce que je veux qu’il en soit ainsi. Fait intéressant à constater, le tout premier roman de Sagan, Bonjour tristesse, parut 3 ans plus tard, en 1954. Le rempart des béguines, autant que Bonjour tristesse, ont tous deux semés la controverse lors de leur parution. J’aime imaginer que Françoise Mallet-Joris ait facilité l’incursion de Sagan dans le merveilleux monde littéraire, qu’elle lui ait contribué à son intégration. En 1951, Mallet-Joris était âgée de 21 ans et en 1954, Sagan avait tout juste 18 ans, à peine majeur. De plus, fait intéressant à noter, Françoise Mallet-Joris et Françoise Sagan avaient toutes deux le même éditeur : René Julliard. Il semble que le monsieur l’éditeur ait eu le coup de foudre pour de beaux romans sulfureux écrits par de jeunes femmes… Le rempart des béguines, autant que Bonjour tristesse, sont des romans bien écrits, mais je dirais que Bonjour tristesse est d’une écriture pour ne pas dire plus fine ou naturelle, mais peut-être plus sauvage. Décrire le style d’un écrivain est un exercice difficile, voire même périlleux. En affirmant que Bonjour tristesse est d’une écriture plus fine que Le rempart des béguines, je porte quelque part préjudice à Françoise Mallet-Joris. Or, à ma défense, il faut bien que j’écrive quelque chose. Malgré l’excuse de l’écriture, on ne peut pas tout dire, tout écrire. Cela, Yvan Godbout, auteur d’écrits dégoûtants, est présentement en train de l’expérimenter à ses dépens et c’est tant mieux, surtout au sein d’une société où les actes de pédophilies et agressions ne sont pas suffisamment sévèrement punis par la loi. La littérature, même si elle se veut être scandaleuse, doit toutefois demeurer dans le bon goût.

Le bon goût et la bienveillance, même bourgeoise, je l’ai abondamment expérimenté avec ma lecture des romans de Françoise Sagan. J’ai fait cette semaine, une belle découverte, sans lien aucun toutefois avec Françoise Mallet-Joris. Il semblerait que les archives de la Grande Bibliothèque de Montréal, pour l’établissement situé dans le Vieux-Montréal, abritent un trésor : la version manuscrite du roman d’Armand Lanoux, Quand la mer se retire, roman pour lequel il obtint le prix Goncourt en 1963. Lanoux étant un écrivain français, il est étrange que ce précieux manuscrit se trouve à Montréal. Je n’ai pas réussi à retrouver aucune information quant aux Fonds Armand Lanoux détenus par la BAnQ du Vieux-Montréal. Tout ce que j’ai réussi à apprendre, c’est que les Fonds Armand Lanoux ont été acquis de Jean-Guy Pilon en décembre 1972, soit du vivant de l’auteur. Armand Lanoux est décédé en 1983. Jean-Guy Pilon est un homme de lettres québécois qui m’est totalement inconnu.

16 décembre 2019

L’art de la mise en scène dans le roman Des bleus à l’âme de Françoise Sagan


Les jours passent, l’année 2019 tire à sa fin, mais quoi qu’il en soit, je trouve toujours du temps pour lire. Et je trouve toujours du temps pour lire Françoise Sagan. Jusqu’à présent, j’ai lu de Sagan : Un certain sourire; Dans un mois, dans un an; Aimez-vous Brahms?; Le garde du cœur, Avec mon meilleur souvenir, Les quatre coins du cœur, et tout dernièrement, Des bleus à l’âme. Je crois que c’est à peu près tout.

Tout d’abord, il faut savoir que Des bleus à l’âme, roman publié en 1972 aux éditions Flammarion, fait écho à Château en Suède. Publiée et jouée en 1960, Château en Suède est la toute première pièce de théâtre de Françoise Sagan. Château en Suède a également fait l’objet d’adaptations cinématographiques. Pour ma part, j’ai tout particulièrement aimé le téléfilm Château en Suède (2008), réalisé par Josée Dayan. J’ai fait la découverte de ce film il y a quelque temps déjà, sans même savoir qu’il s’agissait de l’adaptation d’une pièce de Françoise Sagan. La distribution du téléfilm Château en Suède est vraiment superbe, avec une certaine Jeanne Moreau dans le rôle de la matriarche, Agathe Falsen. Guillaume Depardieu était réellement destiné à jouer le personnage de Sébastien Van Milhem tellement il brille dans ce rôle qui lui va comme un gant. On retrouve en l’actrice Géraldine Pailhas une Éléonore parfaite et bourgeoise à souhait, mis à part un petit problème, si ce n’est que Sébastien et Éléonore sont décrits par Sagan comme étant des personnages aux cheveux blonds. Or, la belle Géraldine Pailhas, dans la vie comme dans le téléfilm, est brune. Il s’agit là de son seul défaut.

Fait extraordinaire que je devais absolument rapporter : le tournage du téléfilm Château en Suède s’est déroulé ici même à Montréal, à la maison Mary Dorothy-Molson, aussi connue sous le nom de manoir MacDougall, au 9095, boulevard Gouin Ouest. J’aimerais beaucoup m’y rendre, ne serait-ce que pour prendre une photo de l’extérieur du bâtiment. La maison Mary Dorothy-Molson est un sublime manoir qui appartient à la ville de Montréal. Malheureusement, l’endroit ne semble pas être ouvert au grand public. La maison Mary Dorothy-Molson est utilisée que pour des tournages. J’aurais bien aimé payer une visite à la maison Mary Dorothy-Molson, mais seulement pour m’y rendre, j’aurais un trajet de certainement 2 h à faire en transport en commun pour l’aller, et un autre bon 2 h pour y revenir. Surtout avec le froid de l’hiver du moment, l’idée ne m’enchante guère, malgré le fait que c’est en hiver que Château en Suède y fut tourné. Une visite lors des beaux mois d’été serait sans doute plus agréable, surtout sachant que le manoir MacDougall fait partie intégrante du parc-nature du Bois-de-Saraguay.

Le choix de la maison Mary Dorothy-Molson était parfait comme lieu décor de film. Il s’agit d’une maison de villégiature de style néo-géorgien située dans un quartier proprement bourgeois. Située sur la rive de la rivière des Prairies, le territoire qui était alors connu sous le nom de village de Saraguay était prisé au XIXe siècle par l’élite économique de la société montréalaise, dont la grande majorité était essentiellement anglophone. Les terres riveraines de la rivière des Prairies offraient de grands espaces, et ce, à proximité du centre urbain de Montréal, ce qui en faisait un site exceptionnel pour l’établissement de résidences secondaires. De nos jours, onze demeures bourgeoises, dont la maison Mary Dorothy Molson, témoignent de cet âge d’or. Construit vers 1930, le manoir MacDougall est composé de 60 pièces, dont 14 chambres à coucher et 6 salles de bain. Avant de devenir propriété de la ville de Montréal, le manoir a été habité par des membres de la famille Molson-MacDougall de 1930 à 1974. Ce lieu de tournage d’exception en sol montréalais donna l’opportunité à une belle brochette d’acteurs québécois de prendre part à l’aventure du Château en Suède. 

Normand D’Amour est absolument parfait dans le rôle d’Hugo Falsen. Sébastien Huberdeau interprète le rôle d’Olivier, et Antoine Bertrand, Gunther. Tous les acteurs québécois ont bien réussi leur transition dans le cinéma français. On n’y voit que du feu. Normand D’Amour, Sébastien Huberdeau et Antoine Bertrand ont réussi à relever le défi : leur « français de France » est parfait, une mention spéciale devant être faite à la belle performance de Normand D’Amour. Jouant un des rôles principaux, D’Amour avait un bon nombre de répliques. Il a joué brillamment. À un point tel qu’on pourrait s’y méprendre et le considérer comme étant comme un acteur français. Ce mélange d’artistes français et québécois a su apporter une distinction et des couleurs à cette pièce, qui est très certainement devenue très vite un grand classique de Françoise Sagan. Car qui ne raffole pas des Van Milhem ne peut aimer Sagan.

Dans les Des bleus à l’âme, Sagan s’amuse à faire de petites apparitions surprises pour nous surprendre, nous, lecteurs. Ce charmant roman, Françoise Sagan le dédit à Charlotte Aillaud, sœur de Juliette Gréco, que Sagan rencontra peu de temps suivant ses débuts littéraires. Dès les premières pages Des bleus à l’âme, Sagan nous fixe dans le temps, mars 71, et dans un espace, un Paris qui n’est plus que l’ombre d’elle-même : 

« J’aurai aimé écrire : “Sébastien montait les marches quatre à quatre, en sifflant et en soufflant un peu.” Cela m’aurait amusée de reprendre maintenant les personnages d’il y a dix ans : Sébastien et sa sœur Éléonore, personnages de théâtre, bien sûr, mais d’un théâtre gai, le mien, et de les monter fauchés, toujours gais, cyniques et pudiques, essayant en vain de se “refaire” à la Maurice Sachs, dans un Paris désolé de sa propre médiocrité. » (Françoise Sagan, Des bleus à l’âme, Éditions Stock, 2009, p. 11).

J’ai aimé la lecture Des bleus à l’âme. Il est encore trop tôt pour dire quelle œuvre de Françoise Sagan je préfère, mais jusqu’à présent, ma préférence pointe en direction Des bleus à l’âme. Lorsque je termine un roman de Sagan, je peine toujours à me remémorer l’action de ses romans. C’est que tout son charme réside en la beauté de son écriture. En ce sens, ses premiers romans, dont Un certain sourire; Dans un mois, dans un an; Aimez-vous Brahms? Sont sans doute ses plus beaux. J’ai également beaucoup apprécié Le garde du cœur, qui prend pour théâtre le milieu du cinéma américain. Ce qui est particulièrement délicieux dans Des bleus à l’âme, c’est les apparitions-surprises de l’écrivaine à ses lecteurs. Sagan s’y représente comme tel, avec ses vices, y compris son amour pour les boîtes de nuit, le whisky, et conduire sa Ferrari pieds nus en revenant d’un après-midi passé à la mer…

11 décembre 2019

De Stupeur et Tremblements à Hygiène de l’assassin, à la découverte d’Amélie Nothomb

Amélie Nothomb a beau être dans le paysage littéraire depuis plusieurs années, mais je n’avais jamais lu, jusqu’à tout récemment, aucun de ses romans. C’est un collègue de travail qui m’a incité à la lire. Personnellement, je tends à fuir comme la peste les auteurs contemporains qui connaissent un succès populaire. Ces auteurs (et autrices), je les connais, bien sûr, mais je ne les lis pas. Quelques noms? Alexandre Jardin, Éric-Emmanuel Schmitt, Frédéric Beigbeder, et surtout, Virginie Despentes… J’ai une sainte horreur de ces femmes ex-prostituées qui s’improvisent écrivaines d’un soir. Vais-je faire une exception pour Emma Becker qui a tout récemment remporté le prix du roman des étudiants France Culture/Télérama pour son roman autobiographique La maison? Je ne ferme pas la porte à Emma Becker, mais c’est uniquement parce que j’ai écouté son entretien à Tout le monde en parle (version québécoise de l’émission animée par Guy A. Lepage). 

Il m’a semblé, malgré son expérience de « putain », elle-même employait ce mot disgracieux dans son discours, qu’une certaine douceur émanait de la personne d’Emma Becker. Malgré mes préjugés évidents que j’assume totalement, je ne ferme jamais la porte à un écrivain. Après tout, il serait dommage de se priver d’une belle découverte, peu importe la raison. En littérature, comme dans tout autre art, il faut toujours garder l’esprit ouvert. Par exemple, j’ai oui, une sainte horreur de ces ex-prostituées qui deviennent comme par magie autrice. Or, j’adore Nelly Arcan. J’ai eu un coup de cœur pour son roman Folle. Quelle grande écrivaine! Vous pouvez donc le constater, je ne suis pas une personne fermée d’esprit, mais j’aime les femmes fortes et sans chichi, qui écrivent sur de sujets autres que la prostitution. N’importe quel sujet, mais pas d’histoires de fesses s’il-vous-plaît. Je trouve que la société d’aujourd’hui est déjà suffisamment envahie par l’hyper sexualisation, je n’ai pas envie d’en rajouter davantage en consommant de mon plein gré de la pornographie littéraire, mais retournons à nos moutons…


J’ai tout d’abord débuté mon introduction à l’univers d’Amélie Nothomb avec la lecture de son roman Stupeur et Tremblements, publié chez Albin Michel en 1999. La même année, ce roman remportait le Grand prix du roman de l’Académie française. Pour moi, ce choix était évident, c’était à peu près le seul roman que je connaissais d’Amélie Nothomb. J’avais vu déjà l’adaptation cinématographique de Stupeur et Tremblements grâce à laquelle j’avais fait la découverte de la grande Sylvie Testud. Cette dernière a d’ailleurs interprété Françoise Sagan dans un film portant sur la vie de l’écrivaine. J’aimerais d’ailleurs voir ce film, Sagan.

Quant au film Stupeur et Tremblements, celui-ci à l’époque m’avait beaucoup plu. Je savais donc ce qui m’attendait avec la lecture de ce roman. Comme première lecture d’Amélie Nothomb, je n’ai pas été déçu par mon choix. Imaginez-vous donc que j’ai lu Stupeur et Tremblements d’une traite, en l’espace d’une seule soirée seulement. J’ai l’habitude de lire. Je lis habituellement à assez bon rythme, mais lorsqu’une œuvre me plaît, comme ce fut le cas avec Stupeur et Tremblements, mon travail de lectrice n’en est que simplifié. J’arrive alors à lire très rapidement. J’ai dévoré ce roman page après page. Fidèle à mon habitude, je ne vous ferai pas un compte rendu très détaillé du roman Stupeur et Tremblements car, comme pour les œuvres à caractère sexuel, j’ai aussi une sainte horreur des comptes rendus d’œuvres littéraires.

À la lecture de Stupeur et Tremblements, j’ai été choqué, d’une part, parce que le talent évident d’Amélie Nothomb pour les affaires n’a pas du tout été exploité par l’entreprise japonaise qui l’employait. Pourquoi faire l’embauche de personnel si ce n’est que dans l’objectif ultime de malmener les gens, sans les amener à exploiter leur plein potentiel pour l’entreprise qui leur paie un salaire? Le fait que Nothomb puisse être en mesure d’écrire le japonais, de communiquer dans cette langue, m’a aussi beaucoup impressionné. Nothomb en témoigne dans son roman : elle avait une vie en dehors de ce travail, elle avait des amis qui tenaient à elle et sur qui elle pouvait compter. C’est sûrement cela d’ailleurs qui la sauver de la noyade. Suivant son départ de l’entreprise japonaise qui lui a fait vivre un calvaire, Amélie Nothomb a mis en chantier l’écriture de son roman, Hygiène de l’assassin.

Faisant suite à ma lecture de Stupeur et Tremblements, je tenais à poursuivre, en lisant le tout premier roman d’Amélie Nothomb. Et quel roman! Hygiène de l’assassin est d’une lecture captivante. J’ai maintenant envie de vous dire qu’avec un roman d’Amélie Nothomb entre les mains, il vous sera impossible de vous ennuyer. J’ai maintenant à mon actif la lecture de deux romans d’Amélie Nothomb, soit Stupeur et Tremblements et Hygiène de l’assassin, mais fort heureusement, l’œuvre de la romancière est riche, et j’aurai le plaisir, dans les moins à venir, à lire l’ensemble des romans qui composent sa bibliographie. Malgré son succès, je suis très heureuse aujourd’hui de ne pas avoir complètement tourné le dos à Nothomb.


Hygiène de l’assassin est d’une lecture délectable, si on peut dire d’une lecture qu’elle peut être de ce niveau de bonheur. Il s’agit essentiellement de dialogues entre différents journalistes, et un auteur âgé, Prétextat Tach, qui est atteint d’un mystérieux cancer incurable. L’homme se sait condamné. Avant de s’éteindre dans sa gloire littéraire, l’écrivain accorde quelques entrevues. Le style d’Amélie Nothomb est franc et agile, le style du dialogue se mariant très bien à tout ce qui s’y passe dans ce roman. Nothomb nous tient en haleine jusqu’à la toute fin, jusqu’à la mort du protagoniste. Dans le présent contexte de blogue littéraire, Hygiène de l’assassin contient plusieurs trésors thématiques, dont celui des lecteurs, et de la lecture. Voyez-vous, le rôle du lecteur est essentiel, car un bon lecteur peut même être en mesure de résoudre une histoire sordide de meurtre dune jeune adolescente...


Curieusement, les journalistes qui viennent tour à tour interroger Prétextat Tach semblent être peu familiers avec son œuvre. Certains l’ont peu ou même pas lu du tout. Or, la dernière journaliste, que j’imagine aisément sous les traits d’Amélie Nothomb, invitée à l’interviewer fait figure d’exception. Cette journaliste, la seule femme ayant pu bénéficier du privilège d’interviewer le récipiendaire du prix Nobel de la littérature, a tout lu de lui, y compris son roman inachevé, qui porte le même titre que celui de Nothomb, Hygiène de l’assassin. N’est-ce pas délicieux? La journaliste, sentant le bon filon, mène son enquête, et de fil en aiguille, découvre le secret de Prétextat Tach. Il faut définitivement lire Hygiène de l’assassin, il s’agit d’un très bon divertissement, vous passerez un très bon moment en compagnie d’Amélie Nothomb qui n’était, si je ne me trompe pas, âgée que de 25 ans lors de la parution de ce premier roman.

9 décembre 2019

Nathalie Petrowski présente ses mémoires à l’occasion de la 42e édition du Salon du livre de Montréal : La critique n’a jamais tué personne

J’ai complété plus tôt la lecture des mémoires de Nathalie Petrowski, La critique n’a jamais tué personne, publiées cette année aux Éditions La Presse. 


J’ai par la suite immédiatement enchaîné avec un roman vraiment génial de Françoise Sagan : Des bleus à l’âme. C’est un véritable délice pour moi que de retrouver les héros de son Château de Suède. J’avance très bien dans mes lectures, mais pas nécessairement dans l’ordre qui était prévu au départ. Par les temps qui courent, j’aime tellement lire, c’est la raison pour laquelle j’écris si peu. Lire ou écrire, il faut choisir. Il est toujours possible de concilier les deux, mais l’exercice d’écriture demeure tout de même un peu plus exigeant.

Revenons à Nathalie Petrowski. Dans le milieu journaliste, Nathalie Petrowski, est une référence. J’ai toujours aimé la lire dans le journal La Presse. J’ai surtout développé mon intérêt envers elle lorsque j’appris, il y a déjà quelques années de cela, qu’elle était née à Nancy, en France. Je suis diplômée de l’Université de Nancy 2, où j’ai obtenu, il y a déjà malheureusement plusieurs années de cela maintenant, un DEA (qui tient pour « diplôme d’études approfondies ») en linguistique. En raison de la réforme universitaire européenne qui a emboîté le pas à la nouvelle monnaie, l’Euro, qui eut pour effet de me chasser de la France, ce diplôme aujourd’hui porte un autre nom. Je ne regrette pas mon départ de la France. La France que j’ai connue avant la venue de l’Euro était beaucoup plus sereine, plus calme et plus accessible, tant financièrement que sur le plan humain. L’après 11 septembre 2001 eu également des conséquences dévastatrices sur l’Europe. Si je serais étudiante aujourd’hui, probablement que je ne me risquerais pas à vivre une expérience à l’étranger. 

Il est plutôt rare d’entendre parler de la belle ville de Nancy. Étrangement, le fait de savoir que la grande Nathalie Petrowski y est née m’a toujours apporté le sentiment d’une certaine fierté. Je ne saurais trop expliquer la raison à cela, sinon qu’une toute petite partie de moi est toujours française et se sent liée à la France. Voici Nathalie Petrowski qui prend la pose pour moi au kiosque de La Presse, au Salon du livre de Montréal.





Et voici sa dédicace :






En me présentant à son kiosque, Nathalie Petrowski m’a demandé si j’étais journaliste, ce qui me fit grand plaisir. D’une certaine façon, de par ce blogue, on peut considérer que je suis en quelque sorte une pseudo journaliste-blogueuse qui travaille à la pige et pour son propre compte (ce qui, malheureusement, ne rapporte pas grand-chose, sinon que la satisfaction d’être lue à l’international par des internautes venant d’un peu partout à travers le monde).

Dans ses mémoires, je n’ai retrouvé que deux allusions vite faites à Nancy, dont l’une sous une photo ou on voit Petrowski petite-fille, à l’âge de deux ans, chez sa grand-mère à Nancy (La critique n’a jamais tué personne, p. 15), et une allusion, témoignant des difficultés expérimentées par son père :

« Mon père, le fils de deux immigrants ukrainiens, m’a d’ailleurs rappelé qu’en grandissant à Nancy, en France, il se faisait régulièrement traiter de Petzouille ou de Petrowscouille par les petits Français qui se moquaient de lui. » (La critique n’a jamais tué personne, p. 121).

J’ai toujours adoré son patronyme. Ce nom, c’est aussi sa marque de commerce.

On comprend que la ville de Nancy n’a peut-être pas laissé que de bons souvenirs à la famille Petrowski. En France, l’intégration des immigrants peut être difficile. Plus les différences sont marquées, plus l’intégration y est difficile. Pour ma part, j’arrivais sans trop de mal à me fondre dans la masse, sauf quand j’ouvrais la bouche. Seul mon accent brayon du nord-ouest du Nouveau-Brunswick venait trahir mes origines. Et j’étais à Nancy dans l’unique objectif d’y obtenir un diplôme, et non pour y faire ma vie. Je ne regrette pas ces années passées à Poitiers, et ensuite, à Nancy, car j’ai tout de même réussi à y décrocher mes trois diplômes universitaires.

En plus d’Antonine Maillet, la 42e édition du Salon du livre de Montréal m’a donc, entre autres, donné l’occasion de rencontrer une de mes idoles journalistiques. Il y a eu un échange très intéressant qui s’est tenu à la scène de l’Agora entre Nathalie Petrowski et sa collègue Michèle Ouimet, également journaliste à La Presse. 







Tout comme Petrowski, Michèle Ouimet a elle aussi publié ses mémoires, Partir pour raconter, chez Boréal. Lors de cet échange, une dame a demandé à Nathalie Petrowski qu’elle serait le meilleur conseil qu’elle aurait à donner à sa fille journaliste. Ce à quoi l’ex-journaliste de La Presse a répondu : de toujours vérifier ses sources, de ne pas faire confiance aux attachés de presse et de toujours tout remettre en question. En ayant maintenant lu La critique n’a jamais tué personne, je comprends mieux maintenant toute la portée de ces conseils. Au courant de la carrière, Nathalie Petrowski a vécu de bons et de moins bons moments, mais la somme de toutes ces expériences a façonné la journaliste qu’elle est devenue aujourd’hui.

Lire les mémoires de Nathalie Petrowski, c’est se plonger dans une époque inconnue de plusieurs : celle des salles de rédaction des années fins 70, début 80, où œuvrait comme des déchaînés les journalistes, et des salles de rédaction embaumée par une riche fumée de cigarette avec comme bruit de fond un crescendo de doigts courant agilement sur le clavier de grosses machines dactylos… Toutes ces activités, comment les choses journalistiques se passaient à ses débuts, Petrowski le décrit très bien. Imaginez devoir recommencer à taper à la machine toute une page en raison d’une toute petite faute de frappe… Car c’était ainsi à l’époque. Si une faute était faite, on devait tout recommencer… Ce travail infernal, Petrowski le décrit très très bien. Je l’imagine sans peine, recommençant 20 fois son travail, déchirant avec énergie les pages maudites ratées… Un vrai travail de moine. Sachant cela, on aurait pu croire que l’arrivée des ordinateurs en salle de rédaction aurait eu de quoi ravir ses collègues journalistiques. Or, ce ne fut pas le cas. On redoutait l’arrivée de l’informatique. Toutefois, une fois adoptée, le changement fut évidemment bénéfique pour tout le monde.

En raison de mon âge, bien que j’aurai bientôt 40 ans, je n’ai pas connu une bonne partie de ce qu’elle décrit dans ses mémoires et cet aspect des choses est particulièrement intéressant. Personnellement, je suis l’actualité rigoureusement depuis environ les 15 dernières années, depuis la fin de mes études. C’est donc grosso modo 25 ans de la vie journalistique de Nathalie Petrowski qui m’a échappé et dont je ne suis pas familière. La lecture de ses mémoires m’a permis de prendre conscience de tout le chemin qu’elle a parcouru, avant même que je ne la lise régulièrement dans La Presse.

Nathalie Petrowski témoigne avec fougue de ce qui fut son quotidien pendant près de 40 ans de travail journalistique. Son travail a occupé une grande place dans sa vie. Dans les années 90, il n’était pas facile d’être une femme journaliste. Il est difficile pour les femmes de ma génération d’imaginer un monde dans lequel une femme pouvait perdre son emploi simplement parce qu’elle était enceinte. Petrowski et ses collègues féminins ont mené de durs combats que nous, femmes d’aujourd’hui, n’aurons, souhaitons-le, jamais à mener. On se doit de lire La critique n’a jamais tué personne, ne serait-ce que pour ce témoignage féministe, afin de ne pas oublier qu’à une époque pas si lointaine, les femmes ne bénéficiaient pas des mêmes droits que les hommes.

Laurence Salacrou, la femme qui écrit la vieillesse

Beaucoup de choses se sont passées depuis la publication de mon dernier billet, en mars de cette année. Le coronavirus a rapidement pris tou...