27 novembre 2019

Ma rencontre avec Antonine Maillet au Salon du livre de Montréal, novembre 2019

J'ai assisté au Salon du livre de Montréal qui s'est déroulé du 20 au 25 novembre à la très spacieuse Place Bonaventure. En raison de la présence d’Antonine Maillet qui était invitée d’honneur, j'ai fréquenté le Salon presque tous les jours, à l'exception du lundi 25 novembre. J’avais préalablement acheté mon passeport pour la durée des 6 jours de l’événement et celui-ci m’a coûté 10 $, ce qui est très abordable. Je peux déjà vous dire que l’édition 2019 du Salon du livre de Montréal a été, selon moi, un franc succès. Si vous souhaitez en apprendre davantage, je vous invite à lire le présent billet.

Ce qui m’a le plus surpris au Salon du livre de Montréal, c’est la large place accordée à la littérature jeunesse. J’étais fascinée de voir un nombre impressionnant de jeunes enfants et d’adolescents faire patiemment la file afin d’obtenir une dédicace de leurs auteurs et autrices préférées. J’aurais aimé avoir le même privilège lorsque j’avais cet âge. De mon coin de pays au nord-ouest du Nouveau-Brunswick, j’avais par contre accès à une belle bibliothèque en ce qui a attrait à la littérature jeunesse. Je me souviens très bien avoir lu bon nombre de romans publiés par La Courte Échelle. Fondée en 1978, cette maison d’édition québécoise existe toujours aujourd’hui. Parmi les autrices de littérature jeunesse, j’ai pu y apercevoir India Desjardins, autrice célèbre pour ses tomes de Le journal d'Aurélie Laflamme, de même qu’Anne Robillard, que j’admire beaucoup aussi, mais c’est à peu près tout ce que je connais de la littérature jeunesse québécoise. Le Salon du Livre de Montréal était abondamment fréquenté par les jeunes, de même que le grand public, le samedi et le dimanche. 

ll y avait foule le week-end, mais le Salon demeurait tout de même fréquentable; la Place Bonaventure, immense, se prêtant très bien à ce genre d’événements. Configurée avec de larges corridors à ses extrémités, on arrivait tout de même à se déplacer aisément de kiosque en kiosque. Ce fut un exercice fascinant que de prendre le pouls du milieu éditorial québécois. L’offre est très riche et diversifiée. Il en avait pour tous les goûts. Ce qui m’a le plus plu au Salon du livre de Montréal, c’est les séances d’animation qui avaient lieu dans différents espaces réservés à cet effet. Ayant dédié ma thèse de maîtrise à La Veuve Enragée et Les Codes-de-Bois d’Antonine Maillet, vous comprendrez que cette grande écrivaine a monopolisé toute mon attention lors la tenue du Salon du livre de Montréal. Là où était Mme Maillet, j’y étais moi aussi. Pendant ces cinq jours, dont quatre durant lesquelles la récipiendaire du Prix Goncourt 1979 était présente au Salon pour prendre part à des animations et séances dédicaces, j’ai été témoin de moments privilégiés dont je me garde le devoir de partager avec vous.

J’ai donc fait ma thèse de maîtrise de lettres modernes à l’Université de Poitiers sur La Veuve Enragée et Les Codes-de-Bois. Je n’ai jamais pu trouver un seul exemplaire de La Veuve Enragée et j’ai posé la question à l’éditeur d’Antonine Maillet, à savoir si cette œuvre était toujours disponible. À ma grande surprise, Pierre Filion me sortit un exemplaire de La Veuve Enragée des rayons (et il y en avait même plusieurs!!!). Mais ce qui me surprit davantage, c’est qu’il connaisse La Veuve Enragée. On peut donc dire de Pierre Filion qu’il connaît bien l’œuvre de sa protégée.

Ma découverte du Salon du livre de Montréal commença avec la soirée d’inauguration, animée par son directeur général, Olivier Gougeon, qui avait lieu le 20 novembre en soirée. Les invités d’honneur, dont Antonine Maillet, prenaient la parole afin de lire un extrait d’une œuvre qui leur tenait à cœur. Antonine Maillet fit la lecture d’un passage de son plus récent ouvrage, Clin d’œil au temps qui passe, publié chez Leméac plus tôt cette année. Je dis bien « ouvrage » et non récit autobiographique, car l’écrivaine ne semble pas être une admiratrice des autobiographies ou plutôt, elle ne croit pas au genre. Son Clin d’œil au temps qui passe fut par ailleurs finaliste au Prix littéraire du Gouverneur général dans la catégorie essai.

Ayant dû composer avec deux ans de silence venant de la part de ses colorés personnages suite à un déménagement, la puissance créatrice de l’écrivaine en a été chamboulée. Ces deux années l’ont amené à explorer d’autres genres littéraires dont l’essai, avec Clin d’œil au temps qui passe et le conte, avec une œuvre dont la parution est prévue pour l’an prochain. Nous avons par ailleurs eu la chance d’entendre Mme Maillet nous lire quelques feuillets de ce conte inédit. Et comble de bonheur, ce vidéo se trouve sur ma chaîne YouTube! La qualité de mes vidéos n’est pas optimale, j’ai avec les moyens du bord. Or, vous serez en mesure d’entendre clairement la voix d’Antonine Maillet. Et pour revenir à son Clin d’œil au temps qui passe, grâce à cet ouvrage, nous arrivons à mieux comprendre les raisons pour lesquelles Mme Maillet a élu domicile à Montréal. À Outremont, où elle a élu domicile pendant bon nombre d’années, une rue porte même son nom. Lorsque la soirée d’inauguration fut terminée, le rappeur Webster a élégamment donné sa main à Antonine Maillet afin de lui permettre de descendre l’estrade en toute sécurité.

On tend à l’oublier facilement parce qu’elle marche d’un pas alerte, sans canne, et que son discours, toujours aussi savoureux, n’a en rien perdu de sa vitalité, mais Mme Maillet a maintenant un âge respectable. Il était grand temps que le Salon du livre de Montréal honore cette Acadienne adorée de tous. Même 40 ans plus tard, l’exploit demeure toujours inégalé, Antonine Maillet est la seule récipiendaire non européenne à qui le Prix Goncourt a été décerné. Mme Maillet obtenait cette distinction en 1979 donc, au 2e tour du scrutin par 6 voix, sous la présidence de l’excellent Hervé Bazin. À l’époque, le jury du Prix Goncourt 1979 était composé d’André Stil (1977-2004), Armand Salacrou (1949-1983), Jean Cayrol (1973-1995), Robert Sabatier (1971-2012), Armand Lanoux (1969-1983), François Nourissier (1977-2008), Michel Tournier (1972-2011), Emmanuel Roblès (1973-1995) et Françoise Mallet-Joris (1970-2011). Je dois avouer que mis à part Hervé Bazin, je ne connais aucun des auteurs et autrices. Aussi, je m’engage, dans effort extraordinaire de commémoration, à lire au moins un ouvrage de chacun des membres du jury du Prix Goncourt 1979.

Vous pouvez l’imaginer, au Salon du livre de Montréal, mon quartier général était le kiosque de Leméac, qui est la maison d’édition qui publie la grande majorité des œuvres d’Antonine Maillet. Le kiosque Leméac donnait sur l’Agora, ce qui permettait aisément d’assister à des animations lorsque mes livres avaient été dédicacés par Antonine Maillet. J’étais présente à chacune de ses séances de dédicace. Rassurez-vous, je ne lui ai fait dédicacer que deux livres à chaque fois. Plus de deux livres, cela aurait été trop, surtout sachant que, lorsqu’Antonine Maillet dédicace, elle ne fait pas les choses à moitié, elle dédicace. Mme Maillet prend le temps d’écrire un petit mot personnalisé dans chaque livre qu’elle signe pour ses lecteurs. J’ai par ailleurs une anecdote assez amusante à raconter à ce sujet : lors de sa dernière séance de dédicaces, Mme Maillet m’a confié : il me semble que j’ai signé beaucoup de livres pour des Julie… Je lui ai alors confié que c’était peut-être toujours moi parce que j’étais présente à chacune de ses séances de dédicaces… N’est-ce pas une petite anecdote toute savoureuse et tellement touchante, Mme Maillet se souvenant avoir dédicacé bon nombre de ses œuvres à une certaine Julie. Je me souviens qu’à la suite d’une séance de dédicaces, Mme Maillet semblait commencer à ressentir de la fatigue. Ce qui est normal, pas seulement en raison de son âge, mais aussi sachant qu’il y avait toujours au moins une animation devant public chaque jour où elle était présente au Salon du livre de Montréal.

Je dois dire que j’ai très attentivement observé Antonine Maillet, de même que les membres de l’équipe chez Leméac, tout au long de ces jours pendant lesquels Mme Maillet était présente au Salon du livre de Montréal. Je peux vous affirmer qu’Antonine Maillet est très bien traitée par son éditeur. En tant qu’invitée d’honneur au Salon du livre de Montréal, Antonine Maillet a participé à cinq séances d’animation, et autant de séances de dédicaces. L’écrivaine a encore une bonne énergie, mais l’équipe de Leméac à veiller à préserver ses énergies en respectant à la lettre l’horaire établi, et en mettant fin à une séance de dédicaces lorsque cela était nécessaire. De plus, Mme Maillet était toujours accompagnée lors de ces activités et de ses déplacements par au moins un membre de l’équipe de Leméac. De plus, son éditeur chez Leméac, Pierre Filion, faisait toujours acte de présence lorsqu’Antonine Maillet prenait part aux activités du Salon du livre de Montréal. Pierre Filion ne se trouvait jamais bien loin d’Antonine Maillet. Si Antonine Maillet était présente quelque part, Pierre Filion y était aussi.

Les admirateurs d’Antonine Maillet ont été gâtés au Salon du livre de Montréal. Pendant 25 minutes, debout sur la scène de L’Agora, Antonine Maillet nous a fait le bonheur de la lecture d’un extrait d’un conte totalement inédit, Le Fabliau des temps nouveaux, qui sera publié chez Leméac l’an prochain. 




Ce que j’aime particulièrement chez Antonine Maillet, outre la personne, c’est la qualité de son écriture. N’êtes-vous pas d’avis que ce mot « fabliau » soit extraordinairement lumineux? Avec Antonine Maillet, on peut facilement perdre la tête. Le glamour du Prix Goncourt rencontre l’authenticité et la bonté même, ce qui fait qu’on ne peut qu’être en mode absolument admiratif devant l’œuvre d’Antonine Maillet. J’aimerais qu’on reconnaisse davantage encore Antonine Maillet comme étant la grande écrivaine qu’elle est réellement et que l’on ne s’en tienne pas qu’à cette image populiste d’une personne âgée ayant plein de charme, même si elle en a beaucoup.

Sur ces bonnes paroles, je vous laisse sur quelques vidéos prises au Salon du livre de Montréal, mettant en vedette Antonine Maillet. Prière de ne pas m’en vouloir sur la qualité de ces vidéos, mais au moins, j’ai fait mon devoir de mémoire. J’ai par ailleurs quelques autres anecdotes à vous raconter quant à mon expérience au Salon du livre du Montréal et Antonine Maillet.
































*Je remercie l’équipe des services aux usagers de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec pour avoir retracé pour moi les membres du jury du Prix Goncourt 1979.

20 novembre 2019

Antonine Maillet, invitée d’honneur au Salon du livre de Montréal

C’est aujourd’hui que s’ouvrait à la place Bonaventure la 42e édition du Salon du livre de Montréal.






Cette année, Antonine Maillet, aux côtés d’Enki Bilal, Fanny Britt, Jean-Paul Daoust, Tristan Demers, Andrée Poulin, Sheila Watt-Cloutier ainsi que de Webster, est invitée d’honneur au Salon du livre de Montréal. 



Maillet profite de son passage au Salon du livre de Montréal pour faire la promotion de son recueil d’anecdotes autobiographiques, Clin d’œil au temps qui passe, publié chez Leméac plus tôt cette année. En ce mercredi avait lieu la soirée d’ouverture du Salon du livre de Montréal à laquelle j’ai assisté. La mairesse de Montréal, Valérie Plante, y a fait une apparition éclaire. Avant de donner son discours, Mme Plante a pris place aux côtés d’Antonine Maillet, avec qui elle a échangé quelques mots. Dans son discours, la mairesse de Montréal a eu l’amabilité de remercier Antonine Maillet pour son œuvre littéraire. Auteure acadienne originaire de Bouctouche, Antonine Maillet est établie à Montréal depuis maintenant plusieurs décennies. L’écrivaine n’est donc pas étrangère à Montréal. Une avenue en plein cœur du quartier d’Outremont porte même son nom, lavenue Antonine-Maillet.

À l’occasion de la soirée d’ouverture du Salon du livre de Montréal, le flamboyant poète Jean-Paul Daoust avait revêtu ses plus beaux habits. J’ai eu l’occasion de croiser à quelques reprises Daoust dans le cadre de manifestations acadiennes. Or, ce dernier n’est pas Acadien de souche, mais il est bien Acadien de cœur. Daoust était ami Gérald Leblanc, grand poète acadien. Ce soir, un autre grand ami des Acadiens et Acadiennes au Salon du livre de Montréal : Zachary Richard. La première fois que j’ai rencontré Zachary Richard, c’était lors du Salon du livre d’Edmundston, et cela doit maintenant faire près de 20 ans… Et 20 ans plus tard, pour notre plus grand bonheur, Zachary Richard est toujours là! Le prochain rendez-vous avec Zachary Richard au Salon du livre de Montréal aura lieu ce vendredi, de 18 h à 21 h, à l’occasion du lancement collectif des Écrits des Forges. Quant à Antonine Maillet, il sera difficile de la manquer, car elle sera présente au Salon du livre de Montréal pratiquement tous les jours, à l’exception de ce vendredi.

Lors de l’événement d’ouverture du Salon du livre, les invités d’honneur ont chacun lu un cours extrait de l’une de leur œuvre ou encore d’un ouvrage qui leur tenait à cœur. Antonine Maillet nous a fait le bonheur de lire un extrait de son œuvre autobiographique, Clin d’œil au temps qui passe. Demain, Antonine Maillet accordera un entretien à Simon Foster (17 h, à la Grande place).



L’entretien sera suivi d’une séance dédicace à l’espace Leméac. Aujourd’hui, le grand Michel Tremblay, que je n’ai pas osé approcher, s’y trouvait. Ne vous inquiétez pas, j’ai déjà pris les arrangements nécessaires au travail de manière à m’éclipser discrètement à 16 h 30 pile, de façon à ce que je puisse me rendre à la Place Bonaventure pour assister à l’entretien. J’en profiterai aussi pour faire dédicacer mon exemplaire de ce joyeux Clin d’œil au temps qui passe.

Outre Antonine Maillet, Enki Bilal, Fanny Britt, Jean-Paul Daoust, Tristan Demers, Andrée Poulin, Sheila Watt-Cloutier, Webster, Michel Tremblay et Zachary Richard, ce soir, j’ai croisé, au Salon du livre de Montréal : Dany Laferrière, de l’Académie française, de même que Christine Beaulieu, qui présentait J’aime Hydro, sa pièce de théâtre-documentaire.

Sur une autre note, j’ai complété plus tôt aujourd’hui la lecture du roman Le garde du cœur (Julliard, 1968) de Françoise Sagan, que j’ai vraiment adoré. Alors que je flânais sans but dans les allées du Salon du livre, un libraire m’a accosté en me demandant quel type de livres je cherchais. Je lui ai répondu que je faisais le tour du salon seulement, ce qui était vrai, mais en fait, je n’étais à la recherche de rien du tout. En ce moment, Françoise Sagan me nourrit suffisamment le cœur et l’âme. Prochaine lecture à l’horaire : Un chagrin de passage, de Sagan.

18 novembre 2019

Sur le bonheur très avoué de lire Françoise Sagan

Je poursuis sur ma belle lancée. J’ai récemment complété la lecture de quelques ouvrages : Sagan et fils (Stock, 2012) de Denis Westhoff que j’ai dévoré en l’espace d’une soirée, Les merveilleux nuages (René Julliard, 1961) de sa maman, et Hollywood (Leméac, 2012) de Marc Séguin. J’ai pratiquement terminé Avec mon meilleur souvenir (Gallimard, 1984) de Sagan, qui, jusqu’ici, j’ai absolument adoré tellement ce témoignage autobiographique déborde d’anecdotes croustillantes et amusantes, et j’ai lu les 65 premières pages de Le garde du cœur (René Julliard, 1968). À Montréal, l’automne a laissé place abruptement à l’hiver, sans plus d’avertissement. J’aime le temps froid et sec. Je trouve délicieux de me retrouver chez-moi, avec un bon livre à la main, alors que dehors, les premiers flocons s’agitent, le froid, si glacial, devient percutant et nous confine à l’intérieure.

L’ordre de mes lectures est assez disparate, mais j’avais à cœur de continuer la lecture des œuvres de Françoise Sagan car elle a une très belle écriture. Jusqu’à présent, dans ma vie secrète de lectrice, j’avais très peu lu Sagan. Je crois n’avoir lu que son fameux Bonjour tristesse, et c’est tout, ce qui est très malheureux. Françoise Sagan a laissé derrière elle une très belle œuvre littéraire. J’adore tout simplement ses romans. Depuis les derniers mois, c’est certainement la lecture des œuvres de Sagan qui m’a de loin donné le plus de satisfaction. Chez-moi, la lecture des romans de Françoise Sagan est très satisfaisante, cela me fait un bien fou de la lire et de la découvrir. Mon intrusion dans son univers littéraire m’offre les possibilités d’une belle évasion dont j’avais réellement besoin.

Les romans de Françoise Sagan se lisent comme du bonbon. Ils font habituellement dans les 200 pages ou moins, ce qui est parfait pour moi. Je n’aime pas les œuvres trop volumineuses. J’aime entrevoir une fin au torrent au bout de quelques heures de lecture. J’ai aussi adoré les souvenirs rapportés par Denis Westhoff de sa mère, dans Sagan et fils (Stock, 2012). Westhoff ne se dit pas écrivain, mais j’ai la même facilité à le lire. Bien que j’imagine que son texte ait été remanié par ses éditeurs, pour moi, c’est très clair, Denis Westhoff a hérité du talent d’écriture de sa mère. Son Sagan et fils est des plus captivants. Je vous le rappelle, j’ai lu Sagan et fils en l’espace seulement d’une soirée. J’arrive à lire très rapidement les belles œuvres, celles qui sont bien rédigées et qui m’emportent dans un précipice jusqu’à ce que j’atteigne enfin la dernière page.

Je suis heureuse d’avoir lu presque en même temps Avec mon meilleur souvenir (Gallimard, 1984) de Françoise mère. J’y ai découvert plusieurs éléments autobiographiques sur Sagan, et la lecture de Sagan et fils m’en a fait connaître d’autres, par exemple la relation cachée qu’entretenait Sagan avec Peggy Roche. Bien sûr, dans Sagan et fils, Françoise prend une place importante, mais Denis Westhoff eut la douceur de nous parler de son père. J’ai trouvé que le tout avait été bien calibré. Évidemment, lorsqu’on est une admiratrice, on cherche évidemment à tout savoir. Pendant un instant, en visualisant diverses photos de Françoise Sagan et de son fils sur Internet, je me suis mise à réfléchir, à penser comment cela doit être que de tout exposer ainsi au public. Car ces photos que je regarde, elles ne sont plus l’ordre du privé, elles ont fait le tour du monde. Ce qui reste maintenant de cette relation mère-fils, c’est ce que Denis Westhoff a bien voulu partager aux nombreux lecteurs de sa mère, ce qui fait de nous des lecteurs hautement privilégiés.

Outre Françoise Sagan, j’ai récemment lu Marc Séguin. Son Hollywood est bien, mais j’ai de loin préféré son roman Nord Alice, que je vous recommande fortement.

10 novembre 2019

Voyage au bout du Grand Nord québécois avec Nord Alice, de Marc Séguin


Lors de mes vacances du mois de novembre, à l’occasion de l’Action de grâce, j’ai lu un très beau roman de Marc Séguin, Nord Alice, publié en 2015 chez Leméac. À la veille de mon départ pour le Nouveau-Brunswick, je m’étais rendue à la librairie Chapters Indigo, qui est située à proximité de mon lieu de travail. J’espérais y faire quelques trouvailles qui allaient rendre plus agréable mon interminable voyage de nuit en autobus. Je traîne souvent à la succursale située en plein centre-ville, sur la rue Sainte-Catherine. J’ai même eu la chance d’y apercevoir un jour le grand couturier Denis Gagnon. La section francophone étant située tout au fond de la librairie, je m’y rendis avec hâte, prête à acheter tous romans pouvant susciter chez-moi un désir de lecture. 

C’est ainsi que je vis, sur une table, Nord Alice, de Marc Séguin. Ce livre a tout de suite piqué mon intérêt. Je connaissais déjà Marc Séguin, le peintre, mais pas Marc Séguin, l’auteur. Aujourd’hui, en regardant la couverture du roman Nord Alice, je comprends maintenant la signification de son illustration, totalement en lien avec le roman, qui est fort à parier de Marc Séguin lui-même. Ne comptez pas sur moi pour vous en dévoiler le secret, mais je peux du moins vous dire que j’y vois un lien évident avec l’attaque d’un ours polaire qui s’en prit à une jeune femme inuite médecin, mais qui fort heureusement, survécut à ses blessures.

J’aime la littéraire et l’art en général, oui, mais j’ai quelque peu de difficultés avec l’art moderne, que j’apprécie un peu moins, voire pas du tout. Je dois dire que ce que je connaissais jusque-là de Marc Séguin, ses peintures-illustrations, me laissait indifférente. Et ce, malgré son succès retentissant, tant ici, au Québec, qu’aux États-Unis et qu’ailleurs dans le monde. Mais ça, c’était avant que je ne fasse connaissance de Marc Séguin, l’écrivain. Car quel écrivain! Je dois dire que j’ai fait une très belle découverte. Je ne peux que vous recommander la lecture de Nord Alice, que j’ai lus entre deux journées de chasse à la perdrix dans les contrées profondes de mon pays acadien... Maintenant que j’ai découvert Marc Séguin l’écrivain, j’apprécie maintenant d’autant mieux Marc Séguin, le peintre. Je suis en pleine lecture d’un autre de ses romans, Hollywood, que je devrais être en mesure de compléter sous peu. Fort heureusement, il me restera ensuite deux autres romans de Marc Séguin à lire : Les repentirs et La foi du braconnier. Et aussi un recueil de poésie, un documentaire, et même, accrochez-vous bien, un film.

Ce fabuleux roman de Marc Séguin, Nord Alice, parut chez Leméac en 2015. Je ne vous annonce, sans grande surprise, que l’action de Nord Alice se déroule dans le Grand Nord québécois, et plus précisément à Kuujjuaq. J’ai vraiment adoré ce roman bien étoffé de Séguin qui fourmille de détails et de belles images qui nous font littéralement voyager dans cet univers grandiose que l’on connaît fort peu et fort mal : le Grand Nord québécois. Le héros du roman est médecin urgentiste dans le seul établissement hospitalier que compte cette région. En raison de son statut social important au village, il est invité à des parties de chasse et à des excursions, dont l’une se terminera particulièrement mal. Sous la plume de Séguin, ses lecteurs ont la chance de faire un voyage extraordinaire en des contrées sauvages et inhospitalières. La lecture de ces aventures offre de merveilleuses images, par exemple lorsque le protagoniste se promène en hélicoptère. J’arrive sans mal à imaginer toute l’étendue d’un horizon sans fin. L’écriture de Marc Séguin est très puissante. Je suis pour ma part une lectrice totalement conquise.

Avec Nord Alice, nous faisons donc ici l’expérience du Grand Nord sur la trame d’une histoire d’amour, mais pas seulement. Car Marc Séguin aurait pu s’en tenir à une histoire, celle d’un médecin, tombé amoureux d’une jeune femme inuite, Alice, elle aussi médecin, lors de ses études, mais le roman aurait été beaucoup moins intéressant. On plonge dans des tranches de vie intergénérationnelles afin d’apprendre que d’une époque à une autre, ces hommes issus de la même famille ont tous tué, dans l’espoir de réparer certaines injustices de la vie. J’en suis certaine, la lecture de Nord Alice saura vous conquérir. Ce beau roman paru donc chez Leméac en 2015. Du côté de sa production artistique, à peu près au même moment, entre 2016 et 2017, Marc Séguin présenta une série d’œuvres inspirées du Grand Nord, une série de tableaux intitulés « Paysages nordiques », d’une très grande pureté. Marc Séguin a su transposer la beauté des paysages nordiques tant du côté du roman que dans ses toiles minimalistes, au blanc exagéré et aux détails allégés, neutres, sensibles, simples et élégants.

3 novembre 2019

Les Quatre Coins du cœur: ma lecture de ce roman inédit de Françoise Sagan

J’ai complété plus tôt aujourd’hui la lecture de deux romans de Françoise Sagan : Dans un mois, dans un an et son roman inédit, Les Quatre Coins du cœur. J’avais fait l’achat du roman inédit de Françoise Sagan à mon retour de vacances, il y a déjà 3 semaines passées. Aujourd’hui, j’ai d’abord complété la lecture de Dans un mois, dans un an, pour ensuite me replonger dans la lecture des Quatre Coins du cœur. Je dis bien « replongé », car aussitôt le livre entre mes mains, je commençais à le lire. De Montréal, je dois dire que j’ai dû patienter des semaines avant que Les Quatre Coins du cœur ne soit enfin disponible en librairie. En achetant le livre, je voulais d’abord me faire plaisir, mais je voulais surtout encourager la succession de Françoise Sagan. J’avais été touché d’apprendre toutes les difficultés rencontrées par Denis Westhoff. En acceptant l’héritage de sa mère, il devait par le fait même s’acquitter de lourdes dettes.

Avant aujourd’hui, j’avais donc déjà entamé la lecture de ce beau roman, mais ma lecture de départ avait été entachée par ce que j’avais appris quant à cette œuvre inédite de Françoise Sagan. La préface d’introduction aux Quatre Coins du cœur, écrite par le fils de Françoise Sagan, Denis Westhoff, y était pour quelque chose. C’est que dans sa préface, Westhoff décrit les circonstances entourant la découverte de deux manuscrits constituant le roman. Certes, la préface de Westhoff est intéressante, mais j’aurais aimé une présentation plus étoffée. La publication de ce roman est des plus mystérieuses. Je peine à comprendre s’il s’agit là d’un roman entièrement écrit par la plume de Sagan, ou s’il s’agit d’une reconstitution de ce qui aurait pu être le roman, si publication il y aurait eu à l’époque de Sagan.

Dans sa préface Quatre Coins du cœur, Denis Westhoff explique que les deux volumes constituant Les Quatre Coins du cœur étaient dans un « état d’inachèvement » (Denis Westhoff, Préface de Les Quatre Coins du cœur, p. 10). Par ailleurs, Westhoff ne s’en cache pas, les deux manuscrits qu’il a retrouvés sont incomplets.

« L’idée d’une réécriture du roman par un auteur contemporain qui serait à la hauteur de la tâche nous effleura, Jean-Marc [il est question ici de Jean-Marc Roberts de la maison Stock] et moi. Mais le manuscrit, privé de certains mots, parfois même de passages entiers, souffrait de telles incohérences que ce projet fut vite abandonné. » (Denis Westhoff, Préface de Les Quatre Coins du cœur, p.11). Denis Westhoff entreprit donc la réécriture du livre : « Plusieurs voix me laissaient entendre que j’étais le seul à pouvoir réécrire le livre, et que ce roman devait nécessairement être publié, quel que fût son état, parce qu’il apportait une pièce certes imparfaite dans l’œuvre, néanmoins essentielle. » (Denis Westhoff, Préface de Les Quatre Coins du cœur, p.11).

Suivant la lecture de la préface de Denis Westhoff, j’ai commencé la lecture du premier chapitre du roman, mais mon cœur de lectrice n’était pas complètement ouvert, je doutais de la pertinence de la lecture de ce roman inédit de Sagan. Je ne savais pas si c’était là du Françoise Sagan ou du Denis Westhoff que je lisais. Qui était donc l’auteur, de ce « de », de ce « la ». Et cette virgule, ce point… Était-ce l’œuvre de Sagan ou de Westhoff? J’étais totalement intriguée et mon étonnement m’enlevait toute concentration. Je jugeais de chaque mot. Et lorsque que je vis l’utilisation de parenthèses, je me suis dit qu’il devait s’agit de parenthèses véritablement utilisées par Françoise Sagan elle-même, car les parenthèses pouvaient certainement ajouter des traits explicatifs à une scène, en sachant que les deux manuscrits constituant Les Quatre coins du cœur étaient, au départ, un scénario de film qui ne s’est jamais concrétisé. La lecture de chaque caractère de ce roman inédit se présentait à moi comme une véritable torture. Je tentais désespérément de répartir le vrai Sagan du faux.

Et pour alourdir mon malheur, j’entrepris la lecture des critiques de Les Quatre Coins du cœur. J’ai lu tout ce que j’ai pu lire sur Internet. Certaines critiques sont fracassantes, dont celle un auteur à succès pourtant, mais que je n’ai jamais lu, Frédéric Beigbeder. La lecture de la préface de Denis Westhoff, ainsi que des critiques, bonnes ou mauvaises, de ce roman inédit, sont venues détruire mon plaisir de lectrice. Or, j’entrepris de me rattraper en lisant quelques romans connus de Françoise Sagan : Un certain sourire; Aimez-vous Brahms…, Dans un mois, dans un an. Mon objectif était de me replonger dans son univers littéraire, afin de mieux apprécier ma lecture prochaine de Les Quatre Coins du cœur. Je voulais rendre ma lecture de Les Quatre Coins du cœur crédible. Je voulais être en mesure de ressentir l’écrivaine. C’est ainsi que tout de suite après avoir lu Dans un mois, dans un an, j’entrepris, dans un bonheur immense, la lecture de Les Quatre Coins du cœur. C’était une histoire entre moi et Françoise Sagan. Il n’y avait plus l’ombre de son fils, ni l'écho d'horribles critiques, dans le portrait.

J’ai pour ma part adoré Les Quatre Coins du cœur. La lecture de ce roman m’a très vite conquise. J’ai dévoré les 202 pages en un seul après-midi, en cette journée de dimanche. Je n’ai pas décelé de décalage de ton. Du début à la fin, la voix de Denis Westhoff ne se ressent pas. Bien qu’on sait qu’il a dû se prêter au jeu d’écrivain afin d’écrire certains passages manquants, c’est Françoise Sagan qu’on lit à travers ces pages, et ce, jusqu’à la toute fin. J’aime les fins ouvertes qu’offre Sagan à chacun de ses romans.

Je suis très heureuse d’avoir fait l’achat des Quatre Coins du cœur, je ne le regrette pas. Heureusement, j’ai encore bien d’autres œuvres de Françoise Sagan à découvrir. Je n’en ai lu que quatre jusqu’à présent, pour ne pas dire cinq, car j’ai lu Bonjour tristesse il y a fort longtemps. Jusqu’ici, la lecture de ses romans m’apporte beaucoup de satisfaction. Lire du Sagan, c’est vraiment un pur bonheur. Bravo à Denis Westhoff pour son courage et sa persévérance. Lisez Les Quatre Coins du cœur avec un cœur vierge de tous jugements. Vous verrez, vous serez très vie transporté dans un nouvel univers saganesque.


Critique de Les Quatre Coins du cœur ailleurs sur le Web :

La Grande Parade

Le Monde

L’Express

Télérama

RTL

20 Minutes

Paris Match

Grazia

La Presse

L’Écho républicain

France Inter

Laurence Salacrou, la femme qui écrit la vieillesse

Beaucoup de choses se sont passées depuis la publication de mon dernier billet, en mars de cette année. Le coronavirus a rapidement pris tou...