27 octobre 2019

La Détresse et l’Enchantement avec Marie-Thérèse Fortin au Théâtre du Nouveau Monde : à voir absolument!

Je suis revenue de quelques jours de vacances plus tôt cette semaine. Pendant mes vacances, j’ai pu compléter la lecture de quelques romans : Pélagie-la-Charrette d’Antonine Maillet, Nord Alice de Marc Séguin et La vie devant soi de Romain Gary. J’y reviendrai dans un prochain billet. Avant de quitter Montréal pour quelques jours, je m’étais fait un cadeau, un achat compulsif : une entrée pour l’adaptation au théâtre de l’autobiographie La Détresse et l’Enchantement de Gabrielle Roy. Et je n’ai pas fait les choses à moitié, j’avais opté pour une place au niveau Parterre, section Or, histoire de ne rien manquer de la très grande Marie-Thérèse Fortin.

Il faut dire que La Détresse et l’Enchantement roule sa bosse au théâtre depuis un certain temps déjà. À l’époque, j’avais amèrement regretté de ne pas avoir assisté à l’une de ses représentations, parce que j’adore Gabrielle Roy. Or, c’est maintenant chose faite! 

Je me suis rendue aujourd’hui en après-midi au Théâtre du Nouveau Monde afin d’assister à la représentation. C’était ma première fois au TNM. J’ai trouvé le lieu vraiment très élégant, avec un beau bar à son entrée. De belles affiches mettent en valeur les pièces à venir. Ceci étant dit, je n’ai rien à cacher, de façon générale, je ne suis pas une grande passionnée de théâtre. Le théâtre me laisse plutôt indifférente. Je préfère de loin me plonger dans la lecture de romans, me laisser envahir par mes propres images plutôt que de me les laisser imposer des règles scénarisations et un jeu précis d’acteurs pour ainsi me faire imposer un imaginaire qui n’est pas le mien.

Avant d’assister à La Détresse et l’Enchantement au Théâtre du Nouveau Monde, la seule pièce de théâtre auquel j’ai assisté, c’était il y a quelques années déjà. En bonne Acadienne que je suis, je m’étais déplacée au Théâtre du Rideau Vert du Plateau Mont-Royal pour y voir La Sagouine, merveilleusement bien jouée par Viola Léger. Et là encore, je n’ai pas eu de regrets. Je crois que ce fut d’ailleurs la dernière fois que La Sagouine fut interprétée par Viola Léger à Montréal. Donc chaque événement théâtral auquel je choisis d’assister en vaut toujours la peine, du moins, pour ces deux-là.

Aujourd’hui fut une journée froide et pluvieuse à Montréal, mais La Détresse et l’Enchantement a eu pour effet d’amener un peu de soleil dans ma journée. Je ne savais pas à quoi m’attendre, sinon à un monologue directement inspiré de l’autobiographie de Gabrielle Roy. Mais le problème en étant un d’envergure : est-il possible de bien adapter une autobiographie au théâtre? La réponse est oui. Marie-Thérèse Fortin et Olivier Kemeid signent le montage dramaturgique. J’ai bien aimé la sélection des tranches de vie qu’ils ont choisi de représenter. Le tableau illustrant le décès du père de Gabrielle Roy était particulièrement touchant, tandis que celui mettant en lumière sa vie d’institutrice a su faire rire le public présent dans la salle.

Seule sur scène, Marie-Thérèse Fortin offre une très belle performance. Il faut dire que tout repose sur ses épaules, sans entracte. Son monologue est pigmenté d’anecdotes croustillantes. Outre la voix de Gabrielle Roy, Marie-Thérèse interprète aussi, à différents moments celle de plusieurs protagonistes, dont celle de la mère de l’écrivaine. Marie-Thérèse Fortin y va à fond. Grâce à cette adaptation théâtrale de La Détresse et l’Enchantement, j’ai fait un beau voyage dans plusieurs moments charnières de la vie de Gabrielle Roy. Le tout est livré avec justesse. J’ai particulièrement aimé les moments au cours desquels, à travers ses voyages en France et en Angleterre, Gabrielle cherche sa vocation. Arrivant au bout de ses économies et la Deuxième Guerre mondiale étant sur le point d’éclater, Gabrielle revient au pays. Elle s’installe à Montréal, elle n’a pas les sous qu’il faut pour retourner au Manitoba. Sa vocation d’écrivain lui est révélée lors d’un périple tourmenté par le mauvais temps dans le nord du Québec. Avec beaucoup de grâce, c’est sur cette belle image que nous laisse Marie-Thérèse Fortin. Une écrivaine est née. J’ai trouvé cette fin admirable, j’en avais les larmes aux yeux.

À nous maintenant, lecteurs et lectrices, d’apprécier l’œuvre de Gabrielle Roy à sa juste valeur et de la lire et de la relire…

11 octobre 2019

Gagnez un exemplaire autographié du roman Ru de Kim Thúy!


En cette soirée du mercredi 9 octobre, la Grande Bibliothèque de Montréal accueillait à bras ouverts une de ses concitoyennes d’exception, l’écrivaine Kim Thúy. Il y avait foule. Pour ma part, afin d’assister à l’événement, j’avais quitté mon lieu de travail à 17 heures pile, en prenant soin d’emporter avec moi les trois ouvrages de Kim Thúy dont j’avais fait l’achat la journée même à l’Indigo de la rue Sainte-Catherine : Ru, Mãn et Vi. Je vous réserve d’ailleurs une belle surprise. Afin de la découvrir, il faudra lire ce billet dans son intégralité!

Je pense que le Québec tout entier connaît Kim Thúy. Personnellement, je connais Kim Thúy plus à titre de personnalité publique qu’en tant qu’auteure. Il faut vivre bien caché sous une roche pour ne pas la connaître. Bien que le français ne soit pas sa langue maternelle, Thúy s’exprime avec aisance. Elle est drôle, attachante, gentille. On pourrait aisément l’écouter parler pendant des heures sans se fatiguer. Aller à la rencontre de Kim Thúy, c’est aller à la rencontre d’une écrivaine débordante de vitalité. Elle dégage une énergie communicatrice qui en fait une oratrice hors pair.

Comme à peu près tout le monde au Québec, je connaissais Kim Thúy, c’est-à-dire que je connaissais déjà son histoire, ses origines, les circonstances de sa venue au Canada, etc. J’ai également vu par le passé un très beau reportage portant sur son retour au Vietnam. Kim Thúy est Montréalaise d’adoption. La figure publique m’est donc familière, mais je ne connais pas Kim Thúy en tant qu’écrivaine. Je n’ai jamais lu ses œuvres, et ce, bien qu’elle soit une grande vedette de l’édition. Personnellement, j’ai dû mal à lire ces auteurs qui sont lus par monsieur et madame tout le monde. Les phénomènes littéraires du moment m’excitent et me tentent peu. Par exemple, je n’ai jamais lu les Alexandre Jardin, Frédéric Beigbeder, Éric-Emmanuel Schmitt, et encore moins les Virginie Despentes de ce monde. Pour moi, l’essence même de la littérature française ne se retrouve pas dans cette littérature dite populaire. J’aurais l’impression de perdre mon temps en lisant ces ouvrages. Or, je vais déroger à ma règle en ce qui concerne Kim Thúy, car il serait dommage, après avoir vécu cette rencontre d’exception, que de m’en tenir uniquement qu’à la personnalité publique.

Lors de cette soirée, Jean-Louis Roy, le président-directeur général de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, a présenté Kim Thúy comme étant un être humain exceptionnel qui a eu plusieurs vies, de son départ du Vietnam parmi les « boat people », sa vie de réfugiée en Malaisie avec sa famille, jusqu’à son arrivée au Canada, à l’âge de 10 ans. Elle apprit à parler français à Granby, ville qu’elle qualifie de paradis terrestre. Plus tard, Kim Thúy fréquenta l’Université de Montréal, où elle suivra un double cursus en traduction et en droit. Elle devint avocate. Dans le cadre de ses activités professionnelles, un mandat lui fut assigné à Saigon, au Vietnam, ce qui lui permit de renouer avec ses origines. Et ce fut là le début de tout, c’est ce qui amena doucement Kim Thúy à l’écriture. Avant de devenir écrivaine, Thúy fit fait une incursion dans l’univers de la restauration. Son établissement avait la cote auprès des critiques et du grand public, mais ses activités n’étaient pas rentables. Il semblerait que l’écrivaine ait toujours des dettes en lien avec son passé de restauratrice.

On ressent fortement la puissance artistique et Kim Thúy. Volubile et boute-en-train, lorsqu’elle s’exprime et s’adresse à nous, elle se donne toute entière. Son auditoire à accès à toute sa personne. Son esprit est libre, brillant. Lors de cette rencontre, Kim Thúy s’est livrée à nous en toute transparence. C’est quelque chose qui me plaît beaucoup chez elle, son authenticité. Ce que je recherche habituellement en lisant un livre, c’est l’accès exclusif à des fibres de vie de l’auteur. Je veux entrer en contact à leur vérité. Sans l’avoir encore lu, je crois que l’œuvre de Kim Thúy devrait être assez puissante pour m’exposer à sa vérité. Elle devrait me plaire. Lors de cette rencontre, Kim Thúy avait beaucoup à nous dire et à partager. Le public présent à l’auditorium de la Grande Bibliothèque de Montréal était invité à lui poser ses questions. Nous avons eu droit à une foule d’anecdotes aussi intéressantes les unes que les autres, dont l’histoire de sa fameuse gaine.

Kim Thúy est une humoriste dans l’âme. Impossible de ne pas rire de bon cœur en écoutant ses histoires abracadabrantes. Finaliste au très prestigieux prix Giller, Kim Thúy devait se rendre à Toronto en avion, mais en raison du mauvais temps, elle dut se résoudre à prendre le train. Étant à la dernière minute, un ami couturier lui prêta une robe qui s’ajustait mal à sa petite taille. Il lui était pratiquement impossible de fermer la fermeture éclair de sa robe. En dernier recours, elle fit l’achat d’une gaine, qu’elle enfila à l’envers et eu pour effet de lui créer un gros ventre… Elle peina à attacher sa robe et eut son moment « wardrobe malfunction » en direct à la télévision…

Mis à part son côté bouffon, Kim Thúy est dotée d’une sensibilité d’artiste et est capable de sérieux. À une jeune personne lui demandant si l’indignation était un moteur à son écriture, Kim a donné une réponse très intéressante, en disant qu’elle s’indigne souvent, et que l’avantage d’être Vietnamien, c’est que ce peuple est plus vicieux, sournois. Les Vietnamiens s’indignent, mais personne ne sait lorsqu’ils s’indignent, mais lorsque cela arrive…  Plus sérieusement, l’écrivaine est d’avis qu’il faut s’indigner, mais qu’il y a plusieurs façons de s’indigner. Il y a plusieurs véhiculent, il n’y en a pas de bons ou de mauvais. Le véhicule d’indignation qui est le plus confortable pour Kim Thúy, de même que le plus efficace selon elle, c’est la beauté.

Ok Mme Thúy, vous m’avez perdu pendant quelques secondes! Poursuivons...

La beauté est le meilleur véhicule pour tout, pour s’indigner, pour se fâcher. Pour illustrer ses dires, l’écrivaine nous a présenté deux exemples, dont celui de la guerre du Vietnam. La guerre du Vietnam fut la première guerre visuelle. Il y avait beaucoup de photos. Les images arrivaient dans la télé, presque en direct. Il y a une photo qui est célèbre et qui a fait changer la vision de la guerre du Vietnam à travers le monde entier. C’est celle de la petite fille qui courait au milieu de tout. Et pourquoi? Parce que cette photo était parfaite, elle était parfaitement cadrée. La petite fille était presque en symétrie, et elle était la seule à être complètement dénudée. Donc la première vision que l’on a, on ne sait pas encore exactement de quoi il est question. On constate seulement qu’il s’agit d’une très belle photo. Et parce que nous avons été attirés par la beauté de la chose, nous sommes entrés dans la photo, et là, on voit le contenu, mais c’est trop tard. On ne peut plus reculer, on est déjà dedans. Il est trop tard.

Plus récemment, avec l’immigrant syrien, la photo qui a fait basculer, si on veut, c’est le petit Aylan sur la plage, avec ce t-shirt rouge, cet enfant qui semblait dormir sur la plage. On regarde et on se dit, mais c’est une belle photo. D’abord et avant tout, c’est une belle photo. Et là, oups, on a réalisé c’était quoi… Le lendemain, il y avait d’autres photos, avec un cadrage beaucoup plus large où on voyait la garde côtière, les bateaux et tout cela, mais on ne s’en souvient pas, parce que ces photos étaient moins belles. Selon Kim Thúy, la beauté réussit à véhiculer tous les messages, et ce, parce que nous avons tous vécu la beauté, à un moment ou à un autre, que ce soit une fleur, une gorgée d’eau, ou peu importe, mais nous avons tous vécu la beauté. Dans ce cas-là, nous pouvons être touchés, nous pouvons être interpellés. Nous n’avons pas tous la chance de vivre l’horreur.

Kim Thúy avait donc de très belles choses à nous dire. Ses propos, comme vous pouvez en déduire, étaient très intelligents. Il s’en dégageait une belle fraîcheur qui avait dont de captiver son public, dont moi-même. Ce fut donc une soirée fort animée. La rencontre se clôtura avec une séance de signatures. J’offre à mes lecteurs la chance de gagner un exemplaire autographié par Kim Thúy elle-même de Ru, son tout premier roman. Lors de la signature, je lui ai confié que je ne l’avais jamais lu. Elle m’a conseillé de commencer par Ru. Pour Ru, comme je le fais tirer au sort, je ne lui ai pas demandé de dédicace, je lui ai dit qu’il allait être offert en cadeau… Quant à mes exemplaires de Mãn et Vi, je lui ai demandé une dédicace à mon nom. Ce quoi elle a répondu que si je ne les aimais pas, qu’elle avait entendu dire que ses livres brûlaient bien dans des feux de foyer. J’ai essayé de la rassurer en lui disant que ses livres allaient sûrement me plaire. Évidemment, les fous rires étaient au rendez-vous.

La voici à l’œuvre :



Le prochain grand rendez-vous littéraire à la Grande Bibliothèque de Montréal aura lieu avec Michel Marc Bouchard en novembre prochain, c’est à ne pas manquer.

Afin de courir la chance de gagner cet exemplaire autographiée par Kim Thúy de Ru, c’est très simple.


Il suffit de me suivre sur Facebook ici. Le tirage aura lieu le 2 novembre.

Bonne chance :-)



6 octobre 2019

Quelques lectures : Un certain sourire de Françoise Sagan, L’asphyxie de Violette Leduc et Chambre d’hôtel de Colette

Pour la semaine qui vient de se terminer en ce dimanche gris à Montréal, j’ai réussi à clore quelques-unes de mes lectures dites « secrètes » : Un certain sourire de Françoise Sagan, L’asphyxie de Violette Leduc et Chambre d’hôtel, un recueil de deux nouvelles de Colette que j’ai tout simplement adoré. J’étais heureuse de pouvoir compléter ces lectures. Mon meilleur truc de lecture, c’est de toujours avoir un livre avec moi, que je laisse dans mon sac à mains, peu importe où je vais, l’ouvrage ne me lâche pas. Ainsi, j’arrive à avancer à bons pas dans mes projets de lecture. Cela fait réellement une différence que de lire en mes temps de pauses et heures de lunch au travail. Quotidiennement, j’arrive à lire au minimum près de 2 heures par jour, sans compter mon temps de lecture au lit, tout juste avant de m’endormir le soir. Présentement, ma lecture du moment est L’affamée, de Violette Leduc. Cette lecture est un vrai régal. J’adore le style enflammé de ce roman de Violette Leduc, que j’imagine sans mal être autobiographique. J’avais également entrepris la lecture de La vieille fille et le mort (Gallimard, 1958), mais après quelques pages, je n’étais pas emballée, alors j’ai décidé de ne pas poursuivre plus longuement la lecture de ce petit roman (97 pages). J’ai eu exactement le même problème avec le roman Entre la vie et la mort (Gallimard, 1968), de Nathalie Sarraute, qui n’a pas su éveiller mon intérêt.

Il y a quelques semaines déjà, vu un film sur ICI ARTV j’ai visionné un film sur la vie de Violette Leduc, c’est ce qui m’a fait retourner à ses livres. Emmanuelle Devos est sensationnelle dans le rôle de Leduc. Sandrine Kiberlain offre une très belle performance dans le rôle de Simone de Beauvoir, très touchante. Dans ce film sur la vie de Violette Leduc, Violette du réalisateur Martin Provost, l’interprétation qui m’a le plus plu est celle de Jacques Bonnaffé, dans le rôle de Jean Genet. On y découvre un Jean Genet sympathique, doté d’une très grande humanité. Jacques Bonnaffé est plus que parfait. Il était né pour incarner ce rôle. J’ai vraiment eu l’impression d’entrer en contact avec le véritable Jean Genet. Par la même occasion, j’ai eu envie de relire Jean Genet, et bien sûr, d’en connaître davantage sur le fabuleux acteur l’ayant incarné avec tant de grâce. Le charisme de Bonnaffé au grand écran a su opérer. Quelque part, je me demande si ce n’est pas plutôt la personne de Jacques Bonnaffé dont je serai « secrètement » éprise… Je suis une grande sentimentale, avec moi, tout est possible, absolument rien n’est impossible.

Comme à peu près tout lecteur qui se respecte, j’ai lu, mais il y a déjà longtemps, La bâtarde de Violette Leduc. Par contre, je n’avais jamais vraiment lu, me semble-t-il, ses autres œuvres. L’asphyxie relate de l’enfance, trop souvent malheureuse, de Violette Leduc. Violette Leduc avait (comme moi) Simone de Beauvoir en adoration complète et totale. Simone de Beauvoir poussa Violette Leduc à l’écriture. Dans ce très beau film sur la vie de l’auteure de La bâtarde, on constate assez vite que Leduc était une personne difficile, qu’elle souffrait énormément du manque de reconnaissance à ses débuts littéraires, et surtout, que le fait d’être née « bâtarde », sans identité paternelle, semble avoir conditionné toute sa vie, comme une complainte. Or, le succès littéraire arriva et grâce à lui, Violette Leduc eut finalement le dessus sur cette enfance malheureuse.

Pour ma part, j’ai quelques jours de vacances qui approchent très bientôt, et je veux en profiter pour relire une œuvre magistrale, vous devrez sortir vos mouchoirs pour en arriver à bout, je vous le dis : Pélagie-la-Charrette d’Antonine Maillet. Je l’ai déjà expliqué dans un précédent billet, le choix de Pélagie-la-Charrette comme lecture de vacances n’est pas anodin, car c’est à l’automne de l’année 1979 que Pélagie-la-Charrette remporta le très prestigieux prix Goncourt, sous la présidence d’Hervé Bazin. Donc en cette année 2019, nous célébrons le 40e anniversaire de l’obtention du prix Goncourt par Antonine Maillet. En plus d’avoir obtenu le prix Goncourt, Antonine Maillet fut la première lauréate hors Europe à remporter l’ultime récompense. J’ai très hâte de me replonger dans Pélagie-la-Charrette.

Quant à Un certain sourire, je n’avais pas prévu me replonger dans les œuvres de Françoise Sagan de sitôt. Or, suite à l’annonce de la parution récente de son roman posthume, Les quatre coins du cœur, je me suis dit, quelle bonne idée, relisons Françoise Sagan! J’ai été particulièrement touché par toute l’histoire entourant l’édition de ce roman posthume de Sagan, de l’heureuse trouvaille faite par son fils de ce manuscrit, dont les lettres commençaient doucement à s’effacer sous des tonnes de papiers… C’est connu, la fin de vie de Françoise Sagan en fut une difficile, elle était aux prises avec des problèmes financiers, doublés de problèmes de santé dus à une dépendance à des médicaments. J’aime beaucoup Françoise Sagan. Je vous recommande fortement la lecture d’Un certain sourire, le deuxième roman de Sagan, après Bonjour tristesse. On y retrouve certaines allusions à l’existentialisme, à cette fameuse nausée, en plus d’une illusion au grand Jean-Paul Sartre, dont Françoise Sagan était l’amie. 

Allez, je vous gâte un peu avec l’extrait en question :

« Je me retrouvai dans les Champs-Élysées avec sur les lèvres le goût d’une bouche étrangère et décidai de rentrer pour lire un nouveau roman.

C’était un très beau livre de Sartre, L’Âge de raison. Je m’y jetai avec bonheur. J’étais jeune, un homme me plaisait, un autre m’aimait. J’avais à résoudre un de ces stupides petits conflits de jeune fille; je prenais de l’importance. » (Françoise Sagan, Un certain sourire, Julliard, Paris, 1956, p. 40).

Ce beau roman, Françoise Sagan le dédit à Florence Malraux. La fille d’André Malraux était amie avec Sagan.

La nausée existentielle, qu’on connaît de Sartre, il l’a peut-être même inventée, est bien présente dans Un certain sourire :

« Et je me soulevais sur le coude pour l’embrasser. Mais en me penchant sur lui je fuis envahie d’une sorte de nausée, de la conviction irrémédiable que ce visage, cet homme, c’était la seule chose pour moi. » (Françoise Sagan, Un certain sourire, Julliard, Paris, 1956, p. 127).

De même que l’existentialisme tout court :

« Vous avez le temps de quoi? dis-je?
De rien. Ni le temps, ni la force, ni l’envie. Si j’avais été capable de quoi que ce soit, je t’aurais aimée.
Qu’est-ce que ça aurait changé? » (Françoise Sagan, Un certain sourire, Julliard, Paris, 1956, p. 129).

Comment peut-on ne pas aimer Françoise Sagan? Tout ce qu’elle écrit est absolument sublime, pas compliqué. On peut facilement s’y attacher.

« Je n’avais jamais tant aimé un visage. J’aimais même ses joues, alors que les joues m’avaient toujours paru une partie sans chair, l’aspect « poisson » du visage. À présent je comprenais Proust parlant longuement des joues d’Albertine, lorsque j’appuyais mon visage contre celles de Luc, fraîches et un peu rêches de la barbe qui y renaissait. Il me faisait aussi découvrir mon corps, m’en parlait avec intérêt, sans indécence, comme d’une chose précieuse. » (Françoise Sagan, Un certain sourire, Julliard, Paris, 1956, p. 90).

Je ne pourrai terminer que sur meilleure note mon compte rendu de lecture. Je reviendrai avec un nouveau billet pour le Chambre d’hôtel de Colette, car j’ai trop à dire.

« La vie est juste en face. » – Antonine Maillet (1929-2025)

C'était un jour que tous ses admirateurs savaient plus proche que lointain. Antonine Maillet s'est éteinte dans le 17 février à son ...