29 septembre 2019

Le professeur et Une phrase pour ma mère de Christian Prigent


La semaine dernière à la Grande Bibliothèque de Montréal, j’ai eu un moment de lecture très désagréable avec Le Professeur de Christian Prigent. La combinaison de ma lecture désastreuse, doublé de la chaleur tropicale, fit que ma fin de semaine se termina sur une fausse note. J’ai finalement retourné aujourd’hui les deux ouvrages de Christian Prigent que j’avais empruntés à la Grande Bibliothèque : Le professeur et Une phrase pour ma mère. Je ne vous suggère pas la lecture de son Le professeur. Par contre, Une phrase pour ma mère de Christian Prigent peut être intéressant comme premier ouvrage, afin de se familiariser avec son œuvre poétique. Tout comme pour Le professeur, j’ai lu que les premières pages d’Une phrase pour ma mère. En fait, j’ai relu les premières pages d’Une phrase pour ma mère. Comme je l’ai déjà expliqué ici, j’avais déjà lu Une phrase pour ma mère. Si vous empruntez Une phrase pour ma mère à la Grande Bibliothèque de Montréal, sachez qu’il y a un problème au niveau du magnétisme, vous devrez obligatoirement vous rendre au comptoir afin d’emprunter et retourner l’ouvrage.

J’ai pris l’habitude, études littéraires obligent, d’entreprendre la lecture de plusieurs ouvrages, de plusieurs auteurs, en même temps. Cette habitude comporte certains risques, dont celui d’« oublier » l’existence même de lectures en cours, surtout lorsqu’il s’agit de livres dont j’ai fait l’achat. Or, devant de telle situation, l’avantage est qu’à un moment donné ou à un autre, l’« oublie » est reconnue et on finit par s’y remettre, tôt ou tard. J’ai connu un de ces épisodes avec la lecture du fabuleux roman La Vérité sur l’affaire Harry Quebert de Joël Dicker. Ce n’est pas parce que ce roman ne m’a pas plu que je ne l’ai pas terminé, mais je l’avais tout simplement mis de côté, et je n’y avais plus pensé, jusqu’à tout récemment, avec l’arrivée de la télésérie du même nom en français, sur la chaîne Radio-Canada. J’ai écouté les premiers épisodes de la télésérie avec intérêt. Je suis d’avis que la télésérie ne rend pas justice au roman. Ce n’est pas la faute aux acteurs, ou à la scénarisation, mais ce roman de Dicker est tellement profond et puissant, que peu importe son adaptation, il faut vraiment lire La Vérité sur l’affaire Harry Quebert pour en apprécier le style et l’œuvre dans toute son identité. C’est la raison pour laquelle je préfère de loin le roman comme genre littéraire. Un roman ne peut pas mentir : soit il est bon ou pas. C’est tout.


La Vérité sur l’affaire Harry Quebert est un très grand roman. Dès la lecture de ses premières pages, j’ai tout de suite pensé à un auteur de la littérature américaine qui m’est très cher : Paul Auster. Bien qu’Auster écrive en anglais et que La Vérité est une œuvre francophone, j’ai tout de suite fait le rapprochement entre ces deux auteurs. C’est comme si, à seulement 27 ans, Joël Dicker avait déjà une vieille âme d’écrivain. À mon avis, La Vérité sur l’affaire Harry Quebert aurait pu être écrite par Paul Auster. Le jeune âge de Joël Dicker au moment de la publication de La Vérité m’avait étonné. Il s’en est suivi deux autres romans que je n’ai pas encore lus : Le Livre des Baltimore (2015) et La Disparition de Stephanie Mailer (2018). Avant même de poursuivre ma lecture de La Vérité sur l’affaire Harry Quebert, que je vais malheureusement devoir reprendre du tout début parce que trop de temps s’est écoulé entre maintenant et mes dernières pages lues de cette œuvre vraiment géniale — je dois m’attaquer à la lecture de Pélagie-la-Charrette d’Antonine Maillet. Pourquoi?

Dimanche dernier, je vous l’ai déjà raconté, j’ai rencontré par hasard Antonine Maillet. Je suis allée vérifier la date de réception de son prix Goncourt : 1979. Je suis née en 1980, par conséquent, j’ai 39 ans, et… en cette année 2019, nous célébrons le 40e anniversaire du prix Goncourt d’Antonine Maillet pour Pélagie-la-Charrette. Bien sûr, j’ai déjà lu Pélagie, mais il y a bien longtemps déjà, et mon souvenir de lecture étant quelque peu flou, je me dois de remédier à la situation, et ce, le plus tôt possible. Je ne sais pas si c’était le cas en 1979, mais le prix Goncourt est généralement attribué durant le mois de novembre. Mon objectif étant de compléter la lecture de Pélagie-la-Charrette d’ici le mois d’octobre ou la mi-octobre, pour ensuite écrire un billet sur mon blogue, afin de célébrer le 40e anniversaire de l’obtention du prix Goncourt d’Antonine Maillet.

Dans ma vie, j’ai connu Pélagie-la-Charrette que sur le tard. Antonine Maillet est beaucoup plus connue en tant qu'auteure pour sa fabuleuse Sagouine, mais Pélagie-la-Charrette est tout aussi pertinente. Il y a 40 ans, pour la toute première fois, une œuvre canadienne-française remportait les plus grands honneurs de la littérature francophone. Il s’agit définitivement d’un anniversaire qui est à célébrer.

Bernard Pivot et Greta Thunberg

La grande marche pour le climat a eu lieu le 27 septembre à Montréal. J’y ai fait une incursion à mon heure de lunch. C’était impressionnant de voir cette immense foule de gens pacifiques manifester pour la cause du climat. Un demi-million de personnes s’étaient donné rendez-vous pour marcher avec Greta Thunberg. Voici quelques photos prises à partir de mon cellulaire :


















Si on compare Montréal à d’autres grandes villes dans le monde, on peut dire de Montréal qu’elle est une ville propre. L’eau qui coule du robinet est potable, plusieurs beaux grands parcs offrent des lieux de verdures aux citadins, on y collecte le recyclage et les ordures de manière efficace. De manière générale, Montréal est une ville propre. Moi qui suis asthmatique, j’y respire bien. Il faut avoir vu et vécu ce qui se fait ailleurs pour se plaindre de Montréal. Le problème dans l’immédiat c’est de voir toutes ces voitures circuler au centre-ville alors que Montréal est doté d’un bon système de métro et d’autobus. Je ne comprends pas d’où toutes ces voitures peuvent bien provenir?

Si je prends l’exemple de la petite ville dont je viens au Nouveau-Brunswick, on y a arrêté depuis peu la collecte du recyclage. Et pour quelle raison? On peut évoquer des raisons de budget, mais si le minimum n’est pas offert aux citoyens pour qu’on puisse développer notre côté vert, la bataille semble être perdue d’avance. Les municipalités ont un grand rôle à jouer dans le virement qui est en cours. Au Canada et sur la planète tout entière, il doit y avoir un « avant » et un « après » Greta Thunberg.

Le geste doit aussi venir de soi. J’habite seule, et à moi seule, je remplis un grand sac bleu de recyclage toutes les deux semaines. Imaginez maintenant ce qu’une famille de quatre personnes peut produire comme déchets si elle n’a pas accès au recyclage! De façon individuelle, on doit revoir notre façon de consommer. Personnellement, j’étais, même avant Greta Thunberg, adepte du recyclage. Mon « après » Greta Thunberg à moi consiste à réduire ma production de déchets. Étant femme, j’utilise bon nombre de produits cosmétiques que j’ai tendance à acheter sans compter, j’ai bon nombre de petits pots, de bouteilles de shampoings, de revitalisants, de produits pour faire boucler mes cheveux... Et tout cela me coûte évidemment plusieurs centaines de dollars par année. Côté vêtements, je ne fais pas d’excès. J’ai loin d’avoir une garde-robe minimaliste, mais je suis quand même raisonnable. Je n’ai qu’un manteau par saison, qu’une paire de bottes d’hiver, une paire de souliers pour le travail, une paire d’espadrilles pour le gym, une paire de bottes d’automnes, etc. Personnellement, mon problème, c’est les produits cosmétiques. Il ne faut pas avoir peur de s’autoévaluer pour prendre connaissance de ses failles. Je vais utiliser ce que j’ai présentement comme produits, et je vais vraiment m’efforcer dorénavant d’acheter uniquement ce dont j’ai vraiment besoin, ce qui ne sera pas un problème, car je connais déjà mes indispensables en matière de beauté.

Tout ceci pour dire que, devant l’importance de la cause défendue par Greta Thunberg, j’ai été choqué par ce gazouillis de Bernard Pivot, président de l’Académie Goncourt :



Ces propos sont tellement dégoûtants provenant d’un homme de lettres d’envergure! La France est un pays extraordinaire dont j’adore la littérature, mais il n’en demeure pas moins, pour je ne sais quelle raison, certains intellos, hommes, Français jusqu’à la moelle épinière, ont cette manie de se croire invincible et démontrent, quand on s’y attend le moins, un tempérament macho, sexiste voir parfois même misogyne, totalement dégueulasse.

En France, beaucoup de femmes sont victimes de harcèlement. Sans être belle, et surtout, pendant mes années d’études en France, je n’étais pas consommatrice de cosmétiques, je vivais avec le strict minimum et mon apparence comptait bien peu, et bien imaginez-vous donc que j’ai moi aussi subi du harcèlement en France. J'ai été prise comme un piège dans une situation extrêmement déplaisante. Je m’en suis sortie sans séquelles, n’ayez crainte, mais c’est quelque chose qui existe en France et en Europe, dans les vieux pays : la femme, à bien des égards, n’est pas bien considérée et il y existe du sexisme. Heureusement, cela n’existe pas de manière aussi effrontée au Canada. À Montréal ou ailleurs au Canada, je peux marcher tranquille. Ici, il est possible de vivre de manière très calme et j’aime cette tranquillité. Pour moi, un des nombreux dangers que représente l’immigration massive est que nous donnons l’occasion à des étrangers de briser notre bonheur de vivre, notre quiétude. Je n’habiterai jamais la France et je n’y retournerai probablement jamais plus, l’urgence climatique réclamant désormais ce sacrifice ultime.

La voix de Greta Thunberg commence tout juste à se faire entendre, tandis que celle de Bernard Pivot devrait être jetée aux oubliettes.

23 septembre 2019

Christian Prigent : écrivain narcissique ou poète de génie?

Lors de ces dernières semaines marquant la fin de l’été, j’ai eu la très bonne idée de passer mes dimanches après-midis à la Grande Bibliothèque de Montréal. Il y avait longtemps que je ne l’avais pas fréquentée. On y trouve une très belle collection d’ouvrages, très diversifiée, autant qu’au niveau des domaines abordés que des auteures et auteurs qui y sont représentés. J’y passe toujours des moments agréables.

Cet espace ouvert à tous offre la possibilité de lectures illimitées. Je ne sais si les Montréalaises et Montréalais d’origines réalisent leur chance, mais chez-moi, au Nouveau-Brunswick, à ma bibliothèque locale, j’étais souvent frustrée de ne pas retrouver sur le coup des auteur(e)s que j’aurais aimé lire ou relire. Bien sûr, j’aurais eu la possibilité de commander les ouvrages manquant aux rayons pour ensuite pouvoir les emprunter, mais à mes yeux, cela me retirait du plaisir de la spontanéité. Face à cette situation, je me résignais et j’empruntais d’autres livres. Cette situation, je suis certaine que tous lecteurs avisés habitant une petite ville ou un petit village y sont confrontés à un moment donné ou à un autre, dans leur vie de lecteurs. À Montréal, je n’éprouve pratiquement plus de sentiments de frustrations littéraires. À Montréal, je suis une lectrice comblée et complètement heureuse de me retrouver devant de sis nombreux rayons, avec de si nombreux ouvrages. La collection d’ouvrages littéraires est épatante et vaut assurément une petite fortune. Je n’ai pas les moyens d’acheter en librairie tous les livres dont il me tarde de faire la lecture. C’est une joie que de me retrouver à la Grande Bibliothèque, le dimanche après-midi.


Aujourd’hui, j’en suis ressortie, encore heureuse, avec quelques romans de Françoise Sagan, Violette Leduc et Nicolas Bouyssi, de même que deux œuvres de Christian Prigent qui s’apparentent selon moi plus au genre de la poésie que celui du roman : Le professeur et Une phrase pour ma mère.


J’ai découvert Christian Prigent au tournant des années 2000, c’était avant la période du « #MeToo ». J’étais alors étudiante en licence de lettres modernes à l’Université de Poitiers. Dans le cadre du cours des métiers du livre, nous avions la chance de rencontrer des auteurs français, et l’exercice se terminait par la tenue d’une rencontre à la Médiathèque de Poitiers. Nous avions la chance d’interviewer des écrivains devant public. Je crois qu’à l’époque le titre Le professeur de Prigent n’avait pas encore été publié. Par contre, je me souviens encore très bien d’avoir lu Une phrase pour ma mère. Ce recueil fut publié chez P.O.L en 1996. J’ai gardé pour ma part un bon souvenir de Christian Prigent, et c’est la raison pour laquelle j’ai pensé à lui plus tôt aujourd’hui. Je ne m’attendais pas à le retrouver dans les rayons de la Grande Bibliothèque de Montréal, mais on ne l’appelle pas la « Grande » Bibliothèque pour le rien, je vous en assure. La Grande Bibliothèque de Montréal mérite bien son titre de noblesse.

J’ai commencé la lecture du Professeur de Christian Prigent aujourd’hui, j’en ai lu les 17 premières pages. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un livre qu’on puisse lire rapidement d’un seul trait. J’ai pour ma part lu les 17 premières pages et je vais en faire une petite pause pour le moment. De prime abord, en voulant lire Le professeur, j’avais d’abord cru à un roman, dans lequel Prigent allait partager sa réalité de professeur de lycée… Or, c’était mal connaître l’homme. Je ne suis pas une spécialiste de Prigent. Je l’ai lu pour la toute première fois il y a plusieurs années déjà. Aujourd’hui marquait ma première entrée, depuis des années, presque deux décennies, dans son univers. C’est que ces derniers temps, j’ai eu le goût de me replonger dans mes anciennes et très nombreuses lectures. J’ai également voulu marquer le coup en rédigeant ce premier billet pour mon blogue littéraire. J’ai également un événement-surprise que je vais vous raconter en finale de cet article. Christian Prigent n’est en rien concerné ou peut-être je lui dois ce coup du hasard. J’ai souvent rêvé de croiser dans les rues de Montréal celle dont j’ai eu le privilège de croiser aujourd’hui.


Le professeur ressemble à mon avis de très près à Une phrase pour ma mère, par, évidemment, l’absence totale de ponctuation. Le professeur de Prigent fut publié en 2001, à des années lumières du mouvement « #MeToo ». Je ne sais si cet ouvrage aurait pu être publié aujourd’hui. La lecture des premières pages m’a littéralement choqué. J’ai eu l’impression de lire l’ouvrage d’un mec mentalement dérangé. Et je me suis demandé si Christian Prigent pouvait être un obsédé. J’ose espérer qu’il n’en est rien. Ce n’est pas pour le salir que j’écris ainsi mes premières impressions. De Poitiers, j’avais retenu l’image d’un intellectuel fin, gentil et accessible. J’aimais son discours. Ses réponses étaient intéressantes. Il nous avait donné une belle prestation lors de son interview. C’était définitivement un échange de qualité. Je ne m’attendais pas à lire ce que j’ai lu dans les premières pages du Professeur.


Cet ouvrage contient une postface dont le premier paragraphe, ponctué, ne se fait guère rassurant quant à la possibilité du fait vécu :


« Comme récit, Le professeur dit ce qui fut. Son écriture essaie de précipiter ce-qui-fut dans un phrasé enrobé où se dérobent les scènes que fixeraient des phrases. » (Christian Prigent, Le professeur, Postface, Al Dente, 2001, p. 145).

L’auteur poursuit, un paragraphe plus tard, avec ceci :


« Les corps et les ébats défilent, cependant. Il s’agit d’un texte pornographique. Cela ne me pose aucun problème moral. Mais pour qu’il y ait pornographie efficace, il faut l’illusion naturaliste : l’adéquation frontale des signes aux organes et imbrications d’organes. Si l’écriture trouble un peu cette croyance (en imposant la volubilité d’un rythme non naturel et en doublant les scènes de commentaires vaguement métapoétiques) — alors il s’agit sans doute d’autre choses. » (Christian Prigent, Le professeur, Postface, Al Dente, 2001, p. 145).

À noter que pour le passage de clôture « sans doute d’autre choses », autre est au singulier. Ou il aurait peut être fallu mettre son choses au singulier. Poursuivrons la lecture de ce postface poético-érotique :


« Le sexe est au cœur de ce que j’écris. Parce qu’il concentre la question du rapport (à l’autre, au monde) et des limites de la représentation. J’écris à partir des compromis misérables et irraisonnés que, comme tous, je passe avec les ruses du désir, la dictée des fantasmes, les rêves d’énamourement. J’ai écrit Le professeur à partir de ces leurres. Mais on ne peut exposer l’échouage du leurre qu’en mettant en scène le leurre : par exemple le fantasme de fusion des cœurs et des corps et l’implacable banalité des scènes pornographiques. » (Christian Prigent, Le professeur, Postface, Al Dente, 2001, p. 146).

Pour Prigent, je suis sans doute une lectrice misérable qui n’y comprend rien. Je suis une lectrice romantique. Lorsque je plonge dans la lecture d’une œuvre littéraire, même si je sais qu’il s’agit d’une œuvre de fiction, je pars à la recherche d’une certaine vérité provenant de l’auteur. Je pars inévitablement à la recherche du vrai qui s’y cache. Car chaque roman contient son once de vérité. C’est la raison pour laquelle j’ai interrompu la lecture de ce Professeur à sa dix-septième page.


L’auteur poursuit sa postface en confiant :


« Le professeur, dont à peu près personne n’a parlé, a trouvé des lecteurs. Je voudrais que ce soit pour de bonnes raisons. Le goût de la gaudriole hédoniste, le défi libertaire à l’ordre moral, la mode des confessions sans écriture, la curiosité pour les manies érotiques d’un auteur connu par ailleurs pour des poèmes abscons, des théories alambiquées et des fictions tragico-comiques — seraient de mauvaises raisons. Il n’est est qu’une bonne : l’inquiétude qui travaille ce livre. » (Christian Prigent, Le professeur, Postface, Al Dente, 2001, p. 146-147).


Personnellement, mon inquiétude réside en le fait qu’en lisant quelques pages du Professeur, j’ai eu l’impression de lire l’œuvre d’un homme aux prises avec de graves problèmes de santé sexuelle. J’ai été particulièrement surprise par cette phrase : « Le sexe est au cœur de ce que j’écris. ». Or, il y a près de deux décennies, lorsque j’ai lu Prigent, je n’avais pas l’impression de lire un homme qui était de si près lié avec sa sexualité. À la Médiathèque de Poitiers, c’est cette question que j’aurais dû demander à Christian Prigent : « Monsieur Prigent, avez-vous des déviances? ». En ce moment même , je ne connais pas la réponse à cette question. J’espère de tout cœur que Le Professeur ne soit rien d’autre qu’une œuvre dégoûtante de provocation. Et en ce moment même, je pense tout particulièrement à Mme Denise Bombardier, qui a eu le courage de dénoncer la passivité oisive d’écrivains français à la sexualité malade.


Je suis certes déçu par ma lecture du Professeur, qui avait pour mission de me relier à Christian Prigent, mais je suis prête à lui donner une seconde chance. Après tout, l’auteur d’Une phrase pour ma mère ne peut pas, n’est-ce pas, être sexuellement déviant? Je crois que je vais laisser de côté la lecture du Professeur afin de me consacrer à Une phrase pour ma mère. Je crois que je me porterai mieux ainsi. J’ai aussi comme projet de lecture son essai, À quoi bon encore des poètes?, paru en 1996.


Après avoir vomit les dix-sept premières pages du Professeur de Christian Prigent, je crois que ça résume ma très courte histoire avec cet ouvrage, je suis sortie de la Grande Bibliothèque par la sortie abritant le café bistro Le Parva dont je vous recommande le sandwich niçois, un peu cher, mais dont seul le pain réchauffé aux olives du sandwich vaut le détour. Dehors, j’ai découvert une vente de livres à 1 $ tenue par la Grande Bibliothèque. Une biographie de Marguerite Duras – à seulement 1 $! — m’a tenté, mais malheureusement, on ne pouvait payer que comptant. J’ai poursuivi ma promenade sur Saint-Denis. Je me suis alors dirigée vers le cinéma Cineplex, en espérant y voir le film Downton Abbey. C’est alors que j’ai eu le bonheur de croiser la récipiendaire du prix Goncourt 1979 : Antonine Maillet! Mon cœur a explosé de joie. J’habite Montréal depuis maintenant presque une décennie. Malgré toutes ces années, je n’ai jamais eu le bonheur de croiser Antonine Maillet. On aurait dit une petite poupée. Elle était accompagnée d’une dame, à qui elle donnait le bras pour marcher. À 90 ans passée, son pas est encore alerte. Lorsque je me suis retournée, je l’ai vu disparaître, j’ai voulu la suivre, mais trop tard, le prix Goncourt 1979 et son accompagnatrice avaient disparu. Pélagie-la-Charrette? Œuvre extraordinaire, bien sûr, mais mon roman préféré d’Antonine Maillet, c’est Les-Cordes-de-Bois, publié deux ans avant son sublime Pélagie-la-Charrette. J’aurais aimé lui dire à quel point j’ai aimé Les-Cordes-de-Bois., parce qu’on a dû déjà beaucoup lui parler de Pélagie-la-Charrette. J’aurais été sa lectrice originale.

Plus tôt cet été, j’ai acheté et lu son autobiographie, Clin d’œil au Temps qui passe, que je vous recommande fortement, si vous souhaitez mieux connaître et découvrir quelques secrets de l’auteur de La Sagouine. En Acadie, de mon point de vue, Antonine Maillet est ce que Victor Hugo est à la France. Alors vous comprendrez à quel point j’ai pu être surprise par cette rencontre improbable. Et je la dois à Christian Prigent. Si son Professeur m’avait plu, j’aurais passé tout mon après-midi à le lire à la Grande Bibliothèque, et je n’aurais jamais croisé, et pas par hasard, Antonine Maillet. Je ne crois pas aux hasards.

Autre vérité : je suis à peu près certaine qu’Antonine Maillet est allée voir avec son amie le film Downton Abbey. À mon arrivée au Cineplex, une projection avait lieu. J’ai pu y assister de justesse. Je peux donc me vanter d’avoir vu le même film qu’Antonine Maillet, dans la même salle, à défaut d’avoir eu le courage de l’aborder. 

Qui aurait pu deviner qu’un lien existait entre Christian Prigent et Antonine Maillet? Du moins ce lien existe pour moi.

Laurence Salacrou, la femme qui écrit la vieillesse

Beaucoup de choses se sont passées depuis la publication de mon dernier billet, en mars de cette année. Le coronavirus a rapidement pris tou...